Édition du 26 mars 2024

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Opinion

À Pierre Fortin, économiste, dans L’actualité

Deux questions sur les chiffres

« L’emploi des travailleurs au bas salaire nous tient à cœur », dites-vous ! Vraiment ! Mais quelle est la raison pour les garder pauvres ? Comme source de pression à la baisse sur les hauts salaires ? Les pauvres étant prêts à travailler à si bas revenus sont une véritable tentation pour offrir moins à des travailleurs syndiqués en prétextant que d’autres sont prêts à occuper leur place à moindre coût. C’est le nivellement par le bas, comme à Olymel, inacceptable puisque entraînant un appauvrissement et une chute consécutive de la demande engendrant des crises que Keynes croyait possible d’endiguer.

Cet appauvrissement généralisé est l’expression locale du chantage qu’on utilise maintenant à l’échelle de la planète par les délocalisations menaçant de démanteler toutes les économies capitalistes avancées.

Dans la comparaison des taux horaires de l’Ontario et du Québec que vous utilisez, il faut bien voir autre chose qu’une simple différence de « choix de société ». On les utilisait dans ma jeunesse, et autour de la montée d’un PQ surfant sur le sentiment exacerbé d’injustices profondes, comme preuve d’un Canada inégalitaire et oppressif. C’était du temps où on osait parler d’oppression nationale sans honte et surtout sans que l’on nous assène les terribles et dogmatiques lois du marché. Vous faites presque la promotion d’une vie de rêve ontarienne … pour une vie chère au Québec ! Ne serait-ce pas un moyen de restaurer l’égalité au Canada et faire reculer l’injustice dans la fédération qui nous garde en état d’infériorité et va jusqu’à nous nier le choix d’en sortir.

C’est à mon sens le signe d’un grand immobilisme que de défendre un statu quo, ou les reculs pour les travailleurs pauvres en particulier (par rapport à ceux de l’Ontario), que de vouloir ainsi figer les salaires offerts par l’économie libérale injuste, et pour les salariés québécois, et pour les autres membres de la nation québécoise opprimés économiquement (par le capital tout québécois et celui international) et politiquement (par le refus de reconnaître les résultats d’un référendum qui irait dans le sens de nous libérer d’un oppresseur comme le Canada l’a fait du colonisateur britannique).

À y inclure la pauvreté des femmes noires au Québec, ou celle des immigrantes des ateliers de misère de Montréal, vous ajouterez au besoin de changements fondamentaux dans les rapports de classe au Canada et au Québec, pour qu’une société vraiment démocratique, tendant vers l’égalité plutôt que creusant les écarts entre les riches et les pauvres, s’installe dans ce pays.

Et puis, n’avez-vous pas par vos affirmations démontré une fois de plus la nécessité d’élargir la culture scientifique des économistes à l’économie politique, celle qui tient compte de tous les aspects de la réalité sociale et économique et pas seulement des rentes des actionnaires ?

Mots-clés : Opinion
Guy Roy

l’auteur est membre du collectif PCQ de Québec solidaire à Lévis.

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