Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Environnement

Économiser l’électricité d’abord

La nationalisation de la production de l’électricité au Québec nous a procuré une source d’énergie propre quoique pas sans tache écologique, abondante, qui permis en grande partie le niveau de développement que nous connaissons actuellement. Et nous avons financé, à même nos taxes, ce système pour notre bien-être aussi.

Voilà qu’on transforme cet atout populaire en simple marchandise à offrir au plus bas disant économiquement. Cette politique est probablement profitable au sens strict du mot et les profits tombent dans le budget du gouvernement qui s’en sert pour financer nos services, mais cela vient avec un programme démesuré de développements de centrales supplémentaires qui est loin d’être acceptable et accepté par la population surtout nos concitoyens.nes amérindiens.nes occupant les territoires visés.

Une autre face de la médaille

Ce n’est pas d’aujourd’hui que nous savons que le kilowattheure le plus intéressant est celui qu’on n’utilise pas. Avant de se lancer dans des programmes de développement extravagants, n’aurions-nous pas intérêt à introduire celui-là dans nos perspectives collectives, en faire un vrai plan de développement. Ça n’a pas le « glamour » d’un pôle de construction de batteries mais cela aurait l’avantage de toucher tous les citoyens.nes et, selon l’architecture du plan, d’introduire un peu plus de justice dans l’usage de l’électricité.

Monsieur le ministre de l’énergie a récemment demandé à toute la population d’économiser l’électricité. Ce n’est ni une politique ni un plan. Aucune explication sur les objectifs, ni sur l’usage qui pourrait être fait des sommes ainsi accumulées.

Mais le pire, c’est un appel lancé à toute la population, sans distinction.Pourtant, à ce que nous sachions, nous ne sommes pas au bord de la rupture même temporaire. Qu’en temps de grand froid nous ayons un effort à faire, j’en suis mais de façon générale….? Permettez-moi d’en douter. Un véritable plan d’économie de l’électricité viserait d’abord les plus grands consommateurs, chercherait les fuites et proposerait des corrections aux lacunes. Il y aurait donc des distinctions entre les hydroquébécois.ses et des aides pour les corrections.

Avant de demander aux citoyens.nes, sans distinction de revenu et de condition de vie, de faire des efforts pour économiser l’électricité, demandons-nous qui profite le plus du bas coût de l’électricité québécoise.

On se vante d’avoir une source d’énergie peu chère et on invoque même que ce faible coût incite au gaspillage. Ce que je connais d’études et d’opinons bien renseignées sur ce sujet démontre que ce ne sont pas les simples citoyens.nes qui consomment le plus ; ce sont les grandes entreprises, les institutions et les grands commerces. Or les entreprises les plus consommatrices, les alumineries, les aciéries, les papeteries et autres de ce genre, bénéficient de tarifs de faveur, plus bas que le bas coût général. Je ne connais pas le régime des institutions et des grands commerces. Est-ce que leur imposer un régime plus adéquat, leur annoncer une hausse au Dollarama de l’électricité, pourrait les inciter à déménager ? Pour aller où le coût de l’énergie qui leur est vitale est plus élevé ?

Il est aussi reconnu que la classe des riches propriétaires consomme au-delà de la moyenne. Leurs grandes maisons totalement équipée d’appareils électriques et électroniques exigent une dépense d’énergie significative. Que le gouvernement démontre à la population qu’il demande des efforts conséquents à ces consommateurs et ensuite on pourra peut-être en demander aux autres catégories.

Dans le passé, Hydro-Québec et le gouvernement ont eu une politique d’électrification généralisée des maisons. La vaste majorité de nos demeures est donc « connectée » maintenant. Mais la qualité des maisons ainsi électrifiées n’a jamais été prise en compte. Ce qui fait qu’à bien des endroits on « chauffe le dehors » comme on dit familièrement. Et ces sont les gens les moins riches, les plus mal équipés qui se retrouvent dans ces logements, comme locataires ou encore petits propriétaires dont un bon nombre de personnes âgées. À Montréal et dans d’autres villes, ce sont souvent aussi les nouveaux arrivants qui n’ont accès qu’à ces passoires thermiques. Et on va leur demander de restreindre leur chauffage ??? C’est littéralement une insulte. La population qui habite ces logements de mauvaise et très mauvaise qualité n’arrivent même pas à se chauffer correctement. Et, même si l’électricité d’ici est la moins chère de toute l’Amérique du nord, les personnes pauvres ont tout le mal du monde à la payer. Et il est de vérité notoire qu’une grande partie des québécois.es sont pauvres. Monsieur le ministre des finances le disait récemment, la vaste majorité des revenus déclarés n’excèdent pas les 54,000$. En ce moment l’inflation frappe durement et personne ne prévoit de véritable recul pour l’année qui vient.

Faire sa lessive en dehors des heures où l’électricité est la plus sollicitée….? Dans la plupart des édifices à logements, l’insonorisation n’est pas adéquate et c’est peu dire. Que diront vos voisins.es immédiats.es en entendant votre lessiveuse et votre sécheuse aux petites heures du matin ou en début de nuit quand on cherche le sommeil ?

Par contre l’électrification des transports est clairement à l’ordre du jour. Pour quel objectif exactement ? Bien sûr, pour la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Et cela veut dire une consommation accrue d’électricité au fur et à mesure des années. Mais où est la chair autour de l’os, en dehors de la construction de nouveaux barrages ? En dehors des véhicules de transport des marchandises et des personnes, la voiture personnelle bien électrifiée demeure la norme. Avec l’obligation d’entretien les routes, d’en construire de nouvelles ; en fait foi le troisième lien à Québec. Pas de perspective de modification de notre organisation de vie au-delà de la voiture individuelle. Faire du transport en commun un élément crucial de la lutte aux GES n’est jamais mis de l’avant.


Pour un véritable plan d’économie de l’électricité

Jusqu’ici, aucun plan valable n’a été présenté à la population. Nous avons pu constater une certaine divergence entre le gouvernement et Hydro-Québec récemment, sans savoir de quoi il retournait au juste. Ici, l’électricité sert à maintenir notre mode de vie avec ses inégalités ; pas de changement de fond à l’horizon.

Au-delà de la lutte aux GES, nous devons nous saisir de la richesse crée par les générations précédentes, depuis 1962, pour nous donner un mode de vie respectueux de tous et de toutes autant que de la nature. La nationalisation de l’électricité était un programme audacieux et René Lévesque, son champion, visait le développement économique, il y voyait un instrument efficace et précieux. Et il a eu raison. Mais, il expliquait, démontrait publiquement et le projet a été approuvé lors d’une élection générale.

En ce moment, Ms. Legault et Fitzgibbon se « garochent » et nous « garochent » dans des projets dont eux seuls ou presque connaissent la teneur et les aboutissants. Comme si la dernière élection leur avait donné carte blanche en ce domaine. Si techniquement le gouvernement est le seul actionnaire d’Hydro-Québec c’est en fait toute la population québécoise qui est cet actionnaire. Il faut s’en rappeler, et agir en conséquence.

Le plan de développement doit absolument être accompagné d’un plan d’économie de l’électricité qui tienne compte des inégalités sociales et participe à les corriger.

Encore une fois, comme le chantait Félix Leclerc : « on a donné notre nord aux Américains, mais on a belle vue » !

Alexandra Cyr

Retraitée. Ex-intervenante sociale principalement en milieu hospitalier et psychiatrie. Ex-militante syndicale, (CSN). Ex militante M.L. Actuellement : membre de Q.S., des Amis du Monde diplomatique (groupe de Montréal), animatrice avec Lire et faire lire, participante à l’établissement d’une coop. d’habitation inter-générationnelle dans Rosemont-Petite-Patrie à Montréal. Membre de la Banque d’échange communautaire de services (BECS) à Montréal.

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