Contrairement à cet épigone du propagandiste nazi Joseph Goebbels, le juge n’a pas réussi à voir dans les mobilisations contre la chasse aux migrant·es et l’Immigration and Customs Enforcement (ICE), un « danger de rébellion ». Il n’a pas non plus constaté que la ville était une « zone de guerre » infestée de « terroristes de l’intérieur ».
Pour la défense de Stephen Miller, on doit reconnaitre que le silence assourdissant des Démocrates et l’apathie sidérante des centrales syndicales étatsuniennes, peuvent laisser croire que les juges et le système judiciaire étatsuniens sont effectivement l’avant-garde de la résistance et les seuls capables de se soulever contre l’ordre établi, contre les atteintes aux droits des femmes, les licenciements de masse de ces « traitres » de fonctionnaires et la politique néofasciste et écocidaire de Trump, Vance, Hegseth, Bondi etc. On entend effectivement davantage parler du succès de la formule « See you in court » lancée par la gouverneure du Maine, Janet Mills, à Donald Trump en février 2025, des « revers judiciaires » de son administration en matière de droits de douane, des actions judiciaires de jeunes militant·es contre la politique pétrolière de l’administration Trump, des petits cabinets d’avocats « prêts à en découdre », que des appels à la mobilisation de l’AFL-CIO ou des Démocrates.
Certain·es pourraient avoir la même impression au Québec. L’absence d’alternative crédible à gauche et de mobilisations syndicales contribuent également à laisser croire que seuls les tribunaux sont aujourd’hui en mesure de s’opposer aux attaques systémiques du gouvernement Legault contre les services publics, les droits de la classe ouvrière, des femmes, des étrangères et des étrangers, contre l’environnement et plus récemment, contre les fonctionnaires qui se « revirent de bord » .
De fait, à chaque nouveau projet de loi liberticide, à chaque remise en cause des droits des travailleurs et des travailleuses (laïcité, PL21 ; droit de grève, PL89 ; liberté syndicale, PL993 ; Santé et sécurité au travail, PL101 etc.), à chaque nouveau scandale financier ou environnemental (Northvolt, Saaqlic, IBM, Stablex, Amazon, Fonderie Horne, Airbus etc.) Québec solidaire et les centrales syndicales ne manquent pas de s’insurger avec véhémence, dans les médias ou en commission parlementaire et d’organiser des petites manifestations. Ils clament que la « coupe est pleine », que « trop c’est trop », qu’on ne se laissera pas faire etc. Puis, le temps d’un nouveau scandale, on apprend qu’un recours judiciaire a été déposé. Et on passe au scandale suivant et au recours suivant.
Certes, les victoires judiciaires sont toujours bonnes à prendre ; que ce soit l’annulation d’une procédure d’expulsion d’un sans-papier, la suspension d’un décret qui restreint le droit à l’avortement ou, pour prendre un exemple exotique et rafraichissant car tellement inespéré, la condamnation d’un ancien président de la République française pour association de malfaiteurs. Pour toutes ces raisons, il n’est pas question ici de suggérer de déposer l’arme du droit sans combattre.
Mais faut-il pour autant délaisser le terrain de la construction de solidarités, de l’unité et de la mobilisation sociale ? En effet, comment expliquer l’effacement des Démocrates et de l’AFL-CIO lors des manifestations historiques du « No kings protests » de juin 2025 ? Comment expliquer l’effacement de Québec solidaire et la division syndicale lors de la grève historique des enseignantes, à l’automne 2023 ? Comment expliquer qu’après la plus importante attaque de ces quarante dernières années contre le droit du travail, selon les centrales syndicales elles-mêmes, il ait fallu plus de huit mois pour qu’elles appellent à une manifestation intersyndicale... le 29 novembre prochain ?
En attendant des réponses, ces éléments factuels peuvent effectivement donner l’impression que le « See you in court » s’est substitué au « On se voit à la manif » ; que l’espoir d’une insurrection judiciaire, historiquement et sociologiquement hautement improbable, s’est substitué à celui d’une insurrection socialiste, antiraciste, féministe, écologique, internationaliste qui n’a peut-être jamais été si nécessaire et urgente.
Martin Gallié, 8 octobre 2025
PS : et pour se faire une idée de Portland comme "zone de guerre", une vidéo d’une manifestation devant les bureaux de l’ICE à Portland, le 7 octobre 2025 : https://www.facebook.com/jamie.alongi.33/videos/24710589775260304/?idorvanity=959208695816460
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