Édition du 16 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Le Canada dans le monde : un fiasco d’une ampleur sans précédent

Depuis des mois et des mois, Ottawa est pleine d’une rumeur urbaine stressée et angoissante. Le Canada dans à peu près tous les forums et lieux où se dessinent les grands enjeux est devenue une mauvaise blague. Sa seule utilité relative est d’être le supplétif, au premier degré, des États-Unis. Cela vient d’éclater encore une fois par des « révélations » sur l’espionnage des pays membres du G20 à Toronto à l’été 2010. Des petits crétins canado-américains ont raccordé des fils comme dans un mauvais film de James Bond pour savoir ce que se disaient entre eux les Russes et les Brésiliens, voire les Allemands et les Français ! Comme si cet espionnage de pacotille allait faire la différence dans des discussions de ce type.

Entre-temps, l’Empire américain et son larbin tombent dans un trou sans fond en perdant influence, légitimité et capacités d’interventions, au-delà de tirer des missiles sur des pauvres gens. La Chine et la Russie, pour ne mentionner que ceux-là, se tordent de rire en voyant la mascarade …

Il y a donc un consensus très large à l’effet que les politiques d’Harper et d’Obama nuisent beaucoup, et pas seulement dans l’« arc des crises » où prolifèrent guerres et conflits, mais partout ailleurs où le capitalisme se réorganise autour des pays « émergents » et dans un enchevêtrement complexe de forces et de fractures entre le « Sud » et le « Nord », entre le G7 et le G20, entre les « émergents », entre les G7. Certes, il reste aux États-Unis une énorme capacité de nuisance, grâce à sa suprématie militaire, mais chaque jour, celle-ci est érodée, comme on vient de le voir encore une fois en Mer dite de Chine où Washington constate les avancées inexorables de son grand adversaire.

Pour le Canada, tout cela n’a pas une grande retombée immédiate, sinon que sur le plan symbolique. L’économie est pratiquement intégrée à celle des États-Unis, avec les conséquences que l’on connaît. Le secteur industriel est en très grande partie un « maillon de la chaîne », donc objectivement dépendant. À une autre échelle, le Canada est un gros tas de minerais et de produits agricoles primaires qu’on achète au meilleur prix possible, ce qui génère des revenus substantiels, un peu comme dans les vulgaires pétromonarchies. Si le Canada n’était pas un « scandale géologique », il serait réellement coincé.

Tout cela n’est pas nouveau, mais ça s’est aggravé depuis le grand retournement des années 1980 amorcé par Brian Mulroney (Accord de libre-échange de l’Amérique du Nord) et accéléré sous les Libéraux à l’époque de Jean Chrétien et de Paul Martin. Ceux-ci, on s’en souvient, ont menti dans la face de la population en affirmant, avant leur élection de 1993, qu’ils allaient rectifier le tir et revenir à une approche « pro-canadienne ». C’est la marque de commerce du Parti Libéral de pratiquer la politique des conservateurs en disant le contraire. Avec le surgissement de Justin-le-beau-gars, on revient à cette formule qui a été tant efficace pendant si longtemps. Sur le fond, les élites de Toronto (qui sont les vrais « kingpins » du PLC) ne veulent rien savoir d’une distanciation même relative avec les États-Unis, car elles se contentent de vendre les ressources et de gérer les flux financiers au profit du 1 %. On relookera tout cela en parlant de « compassion » et de « valeurs canadiennes ». Cela n’ira pas loin et une fois élu, Justin se fera dire par les « émergents » et les autres que le Canada ne fait plus partie de l’équation pour essayer de définir une autre architecture face au dispositif institutionnel actuel qui tombe en morceaux (ONU, FMI, Banque mondiale, G8, G20, etc.).

Restent quelques joueurs périphériques, dont l’« opposition officielle » d’un NPD thomas-mulcairisé, passez-moi l’expression. Mulcair partage à 90 % les mêmes idées que ses « adversaires » libéraux. Il est un fier partisan des accords de libre-échange. Il pense que les États-Unis et les autres G7 sont encore les maîtres du monde et non seulement cela, qu’ils sont ceux qui défendent la démocratie, via leurs larbins israéliens, mexicains, saoudiens, pakistanais, etc. Il faut bien sûr, pense Mulcair, arrêter de tirer dans le tas à Gaza ou à Kaboul, tout en contrôlant, d’une manière plus intelligente, les « barbares ». Pas question non plus de se retirer des organes stratégiques du commandement américain que sont l’OTAN et NORAD. Bref, c’est la politique traditionnelle de l’État canadien, en enlevant le côté sulfureux et ridicule des politiques de Harper.

En attendant, Ottawa et le Parlement sont pleins d’une élite politique et technocratique qui est essentiellement nostalgique des gouvernements précédents où on faisait les mêmes choses, mais avec un peu de classe, contrairement aux bouffons comme le « ministre » John Baird, lui-même un simple porteur de bagages pour Stephen Harper. Et c’est ainsi que cet État mène le pays dans un mur, car, tôt ou tard, la lente et pénible dislocation du château de carte américain débouchera sur encore plus de confrontations.

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