Édition du 16 avril 2024

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Budget et renouvellement rapide des conventions collectives

Sous la menace d’un décret éventuel…

Nous sommes bel et bien en crise. Pour y faire face, les gouvernements nous annoncent toute une série de mesures exceptionnelles.

18 mars 2020

La Presse nous apprenait ce matin [1] que le gouvernement Legault veut renouveler « au plus vite les conventions collectives » des salariéEs syndiquéEs de l’indispensable réseau de la santé et des services sociaux.

De quoi serait fait ce nouveau contrat de travail ? Il s’agirait d’un contrat d’une durée de trois ans (2020 à 2023) comportant des offres salariales liées à l’inflation : soit 2,2% pour les deux premières années et 2% pour la troisième. Les primes seraient reconduites ou « bonifiées », dans certains cas, selon nos sources.

Pour ce qui est des salariéEs syndiquéEs des autres secteurs (éducation et administration publique), nous ne savons pas, pour le moment, si ces personnes bénéficieraient du même traitement.

Nos sources nous mentionnent que cette offre d’une négociation « rapide » tient encore jusqu’au 19 mars 2020. Sinon, la menace de recourir à un « décret » plane dans l’air.

« Crise » pas « crise » la manière Legault de négocier est toujours la même. Voir : Le « bâillon » comme mode de gouvernement, À quand le prochain ? Yvan Perrier, mardi 11 février 2020.

Ajout 1 :

Lors de sa conférence de presse quotidienne du 18 mars 2020, le premier ministre du Québec, monsieur François Legault, s’est limité à dire qu’il a offert aux dirigeantEs syndicales et syndicaux, rencontréEs dimanche le 15 mars 2020, de "bonifier les conditions de travail" des 200 000 salariéEs syndiquéEs des réseaux de la santé et des services sociaux. Il a ajouté qu’il ne veut pas que ces salariéEs "se préoccupent de la prochaine négociation". Pour ce qui est de la possibilité de l’adoption éventuelle d’un décret, François Legault a précisé qu’il préférait "s’arrêter là" dans sa réponse.

18 mars 2020, 13h49

Ajout 2 :

Radio-Canada (bulletin d’information de 20 heures à la Première chaîne) nous apprend que la FIQ, l’APTS et le SPGQ ont accepté, en raison de la situation crée par le Coronavirus, l’offre du gouvernement Legault d’une négociation accélérée.
18 mars 2020.

Ajout 3

L’offre du gouvernement Legault de procéder à une négociation accélérée vaut pour la totalité des salariées syndiquées des secteurs public et parapublic. Une telle négociation dans un cadre accéléré n’est pas sans précédent. En 1995, à la veille du référendum, le gouvernement Parizeau avait fait une telle proposition aux organisations syndicales présentes dans les secteurs public et parapublic. De l’article de la journaliste de La Presse canadienne, Lia Lévesque, il faut retenir la chose suivante et je cite : "Le président du Conseil du trésor, Christian Dubé, l’a confirmé jeudi. "Il y a bel et bien eu une invitation à négocier de façon plus rapide qui a été faite à tous les syndicats. Nous avons également établi un cadre de négociation", a-t-il répondu par courriel". Le gouvernement Legault a un "cadre" de négociation. Jusqu’à quel point ce cadre laisse-t-il de la place à la négociation et à un véritable rattrapage salarial pour les salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic ? C’est ce que nous saurons sous peu, j’imagine.
19 mars 2020
14h15

Ajout 4

Je n’ai pas été en mesure de valider, auprès d’une source syndicale officielle, l’éventualité du recours à un décret gouvernemental en vue de mettre un terme à la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic.
19 mars 2020
15h17

Ajout 5

Voici la "position provisoire" de la CSN, selon un communiqué émis par la FNEEQ-CSN, au sujet de la demande du gouvernement Legault de conclure rapidement la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic :

"Dans ce contexte (la crise déclenchée par le COVID-19 Y.P.), nos représentantes et nos représentants de la FNEEQ et celles et ceux des autres fédérations de la CSN concernées par la négociation nationale (formant le Comité de coordination des secteurs public et parapublic de la CSN - CCSPP) se sont réunis cette semaine et sont arrivés à un consensus pour présenter une contre-proposition au gouvernement. Compte tenu de l’état actuel d’urgence sanitaire et des mesures de distanciation sociale qui rendent difficiles, voire impossibles, la négociation et la consultation des membres, le CCSPP est donc arrivé au consensus de procéder à une contre-offre au gouvernement pour SUSPENDRE les négociations pour une durée de 18 mois. Cette durée pourrait être revue à la baisse si les parties syndicale et patronale en convenaient. Cette offre de suspension s’accompagnera d’une proposition d’ajustements salariaux pour les années 2020 et 2021 et d’autres modalités en lien avec la crise de la COVID-19.

Notez qu’il ne s’agit pas là d’un libellé officiel ou final de la position de la CSN. Nous sommes en discussion avec les autres centrales syndicales (FTQ et CSQ) et les détails de cette proposition pourraient être appelés à évoluer à la suite de ces échanges. "

À suivre...
19 mars 2020
17h54

Ajout 6

Position officielle de la CSN au sujet de la demande de négocier dans un cadre accéléré le renouvellement des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic

"Communiqué de la CSN"

"IMPORTANT - MISE AU POINT
Nous avons précisé dans le texte que nos demandes concrètes à mettre en place immédiatement porteront tant sur la rémunération que sur les conditions de travail."

"Soutenir les anges gardiens, tous les anges gardiens : un devoir collectif

Nous vivons présentement une crise sans précédent. Nous voulons, dans les prochains jours, travailler avec le premier ministre à trouver de quelles façons le gouvernement peut aider le personnel, quelles sont les mesures à mettre en place immédiatement pour améliorer les conditions de travail de l’ensemble des travailleuses et des travailleurs dans ce contexte de crise. Nous avons des demandes concrètes à soumettre pour soutenir significativement toutes celles et ceux qui sont sur la ligne de front et pour assurer leur sécurité et leur santé, tant physique que psychologique.
La situation actuelle est inédite. Le Québec n’a jamais traversé une crise d’une telle ampleur et cela nous impose d’agir en conséquence. Le temps n’est pas à une entreprise d’envergure comme l’est la négociation du secteur public. Signer des ententes pour les trois, quatre, cinq prochaines années, pour des centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs, alors que nous vivons une crise de santé publique sans précédent, nous semble impossible et inapproprié. Les travailleuses et les travailleurs sur le terrain doivent pouvoir mettre toutes leurs énergies à aider les Québécoises et les Québécois à passer à travers cette crise.

Pour toutes ces raisons, nous voulons affirmer une fois de plus notre volonté de collaborer avec le gouvernement dans les plus brefs délais pour faire en sorte que les anges gardiens, tous les anges gardiens, tant le personnel en santé et services sociaux que dans les services de garde, soient soutenus par des mesures fortes et concrètes.

Dans ce contexte, nous demandons au Conseil du trésor de suspendre les négociations des conventions collectives du secteur public pour une période de 18 mois, en convenant de mesures particulières liées aux impacts de la pandémie pour les travailleuses et les travailleurs.

Caroline Senneville
Vice-présidente de la CSN"

19 mars 2020
20h27

Ajout 7

Position de la CSQ : « Il n’y a pas d’urgence à négocier le renouvellement des conventions collectives du secteur public »

« Nous réaffirmons notre volonté de collaborer avec le gouvernement pour faire en sorte que nos travailleuses et nos travailleurs soient soutenus par des mesures fortes et concrètes, capables de les appuyer au quotidien. Conséquemment, nous tendons la main au Conseil du trésor afin de négocier avec lui, dès que possible, des dispositions temporaires permettant de reporter les négociations des conventions collectives du secteur public après la crise.
Le contexte que nous vivons nous impose d’être plus responsables que jamais. Dans les circonstances, nous considérons qu’il n’y a pas d’urgence à négocier le renouvellement des conventions collectives du secteur public. Alors que nous connaissons une crise de santé publique sans précédent, il nous semble inapproprié de discuter et de signer des ententes qui lieraient des centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs pour les trois prochaines années. Le personnel sur le terrain ainsi que leurs représentantes et leurs représentants syndicaux veulent consacrer leur tête et leur cœur afin que nous puissions aller au bout de la crise du coronavirus le plus rapidement possible. Démontrons-leur notre solidarité. »

Le SFPQ accepte l’offre de négocier le renouvellement des conventions collectives dans le cadre d’un « blitz » de négociation.

« QUÉBEC, le 19 mars 2020 - Le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) accepte l’offre du gouvernement pour une négociation accélérée. En raison de la crise sans précédent découlant de la Covid-19, le gouvernement a proposé aux syndicats de tous les réseaux incluant la fonction publique de faire un blitz de négociation pour renouveler très rapidement les conventions collectives pour une durée de trois ans. »

La FTQ a émis un communiqué dans lequel elle annonce qu’elle "accepte de rencontrer le Conseil du trésor".

Conclusion provisoire

Ainsi donc, à ce moment-ci, le gouvernement Legault semble avoir rallié à sa proposition la FIQ, l’APTS, le SPGQ, le SFPQ et la FTQ. Pour ce qui est de la CSN et de la CSQ, la première propose de suspendre pour 18 mois le processus de négociation et la deuxième de reporter ces négociations « après la crise ».

La division qui règne dans les rangs syndicaux ne peut qu’avantager la position du gouvernement. Il lui sera facile de trouver une organisation syndicale qui sera prête à signer rapidement une entente négociée. Entente qui n’ira pas tellement au-delà des paramètres que le gouvernement a en-tête et qu’il veut atteindre par la voie négociée ou imposée.

20 mars 2020
8h51

Ajout 8

Le président de la FTQ, Daniel Boyer, vient de déclarer à l’émission Midi-Info de la Première chaîne de Radio-Canada que les discussions avec le Conseil du trésor portent sur "le format" que prendra la négociation à partir de maintenant. Lire : le format du "blitz" de négociation ou d’une négociation rapide.

20 mars 2020
12h30

C’est parti pour une conclusion de la négociation dans les secteurs public et parapublic avant le 31 mars 2020.


Le budget de l’État expliqué en moins de 1000 mots

Année après année, vers la fin de l’hiver et le début du printemps, le ministre des Finances du Québec y va immanquablement de son allocution annuelle sur le budget de l’État.

Derrière cet exercice, dans lequel on nous assène une flopée de chiffres quasi incompréhensibles pour la plupart des citoyenNEs peu ou prou initiéEs à la vie politico-économique, il y a un certain nombre de choses à préciser en vue de rendre l’exercice accessible éventuellement au plus grand nombre de la population qui, qu’on le veuille ou non, acquitte son dû à l’État (à travers l’impôt et les taxes et le paiement de certains services). Il y a donc beaucoup d’argent qui vient de nos goussets dans ce budget.

Le budget : un exercice annuel qui n’a rien d’un geste improvisé

Première chose importante à savoir, le budget d’un gouvernement est l’aboutissement d’un processus qui implique plusieurs personnes. Il a pour but de refléter les priorités d’un gouvernement ainsi que les décisions prises dans l’attribution des ressources et les services qu’il veut rendre à la population. Exercice qui incombe principalement au ministre des Finances.

C’est en effet ce ministre qui a le mandat et la responsabilité de préparer et de présenter à l’Assemblée nationale le discours sur le budget. Ce discours constitue la politique économique, fiscale, budgétaire et financière du gouvernement. Dans ce discours, il annonce les mesures fiscales et budgétaires ; il présente les équilibres (ou déséquilibres) financiers, il fixe les objectifs financiers et les objectifs de dépenses pour les années à venir. Le ministre des Finances a la responsabilité d’établir et ce de concert avec le président du Conseil du trésor le niveau des engagements financiers liés au renouvellement des conventions collectives. Au sein du pouvoir exécutif, il y a donc une interface inévitable entre le Conseil du trésor et le ministre des Finances. Il leur appartient, sous la supervision du bureau du premier ministre, d’établir la politique salariale (ou de rémunération globale) du gouvernement en vue du renouvellement des conventions collectives. Donc, de fixer et de déterminer la part de la richesse collective qui sera consacrée aux services publics et à ses salariéEs syndiquéEs.

Trois concepts clés pour comprendre le processus budgétaire : « Élaboration », « Exécution et suivi » et « Reddition de comptes »

Le processus budgétaire porte sur trois années financières. Le budget de dépenses du gouvernement du Québec du 10 mars 2020 comporte trois étapes précises :

« (l’)Élaboration » a débuté en avril 2019 et s’est terminée par le dépôt du discours sur le budget des dépenses ;

« (l’)Exécution et le suivi » du budget des dépenses de 2020-2021 s’effectueront d’avril 2020 à mars 2021 ;

la « Reddition de comptes [2] du budget de dépenses de l’année 2020-2021 sera effectuée au cours de l’année financière 2021-2022.

Autrement dit, au cours d’une année financière, il y a nécessairement chevauchement des travaux qui sont en lien avec trois années budgétaires :

Élaboration du budget des dépenses de l’année prochaine 2021-2022 ;

Exécution et suivi du budget des dépenses de l’année en cours 2020-2021 ;

Et finalement, Reddition de comptes sur le budget de dépenses de 2019-2020.

Le budget annuel décortiqué sur une base mensuelle maintenant[2]

Comment se décortique l’année qui mène à l’adoption d’un budget ?

Mars : présentation du discours sur le budget par le ministre des Finances ;

Mai-juin : Prévision triennale du coût de reconduction des programmes (opération sous la responsabilité du Secrétariat du Conseil du trésor) ;

Mi-juin : le Conseil des ministres, sur recommandation du président du Conseil du trésor, adopte les orientations budgétaires et les enveloppes de dépenses. La mi-juin est donc un moment très important pour la suite des choses quand il y a des négociations syndicales dans les secteurs public et parapublic.

Juillet à la fin septembre : les ministères et les organismes budgétaires du gouvernement déterminent les moyens à prendre pour limiter la croissance prévue des dépenses et préparent et transmettent au Secrétariat du Conseil du trésor leur dossier de programmes ainsi que leurs prévisions de dépenses.

D’octobre à décembre : opérations diverses (ex. envoie de documents, analyse de documents, révision de scénario en vue d’atteindre l’équilibre budgétaire, etc.).

Décembre : C’est au mois de décembre que le président du Conseil du trésor recommande au Conseil des ministres les arbitrages à faire et les enveloppes finales de dépenses des ministères. Le Conseil des ministres adopte et fixe les enveloppes finales des ministères.

Janvier-février : préparation des crédits détaillés et élaboration du budget de dépenses par le Secrétariat du Conseil du trésor.

Mars : Dépôt du budget de dépenses.

Mars-avril : Vote sur le budget.

Au moment où nous écrivons les présentes lignes, le gouvernement du Québec, dirigé par le chef de la Coalition avenir Québec, monsieur François Legault, sait depuis juin à septembre 2019 quelle sera son offre à ses salariéEs syndiquées. Reste à savoir maintenant si, ce qu’il a dit lors de sa conférence de presse du 13 septembre dernier, correspondait à son offre « finale ». Une offre salariale correspondant à l’inflation.

C’est à suivre. [3]

Source : Québec. 2004. Le processus budgétaire au gouvernement du Québec : Budget de dépenses. Document de référence. Québec, 63 p.

[2] Il est à noter que ce calendrier peut être modifié selon la nature et la portée de certains événements (ex. la tenue d’une élection générale ou une quarantaine imposée par une épidémie ou une pandémie).


[2Définition de Reddition de compte : « Rapport présenté par une Administration pour rendre compte de sa gestion au public, dans lequel elle communique des informations utiles à cette fin, par exemple des informations sur l’état de ses finances à une date donnée, sur sa performance financière pour une période déterminée ou sur l’efficacité de certaines activités ou de certains programmes . » Source : Office québécois de la langue française. 2020. Site Web de l’Office québécois de la langue française. En ligne. <http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOql...> . Consulté le 15 mars 2020. »

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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