
Pour une gauche à gauche
Pierre Dubuc
Pierre Dubuc est directeur et rédacteur en chef de l’aut’journal, un mensuel progressiste et indépendantiste que j’apprécie beaucoup. Sa pensée politique et sociale vaut d’être connue. Dans « Pour une gauche à gauche », publié en 2011, mais qui se révèle toujours éclairant à la lumière des événement en cours, Pierre Dubuc y critique les propositions sociales et linguistiques de Jean-François Lisée comme conseiller des chefs du Parti Québécois, essayiste, analyste et blogueur. L’auteur nous y explique qu’au cours des dernières années, Lisée a popularisé le concept de « gauche efficace », inventé par son mentor François Legault. Au programme de cette « gauche efficace » explique-t-il, on trouve la privatisation partielle d’Hydro-Québec, le remplacement des taxes progressives, la paie au mérite pour les enseignants, la transformation d’organisations syndicales du secteur public en coopératives de production et une réécriture majeure de notre politique linguistique au détriment du français comme langue officielle et commune.
Extrait :
Quand Mme Marois a pris la direction du Parti Québécois, elle a déclaré qu’elle voulait « renouveler la social-démocratie » et, pour bien signaler à quelle enseigne elle logeait, elle a déclaré qu’ « il fallait créer la richesse, avant de la partager ». L’expression est en effet connue. Elle a été la bannière du « New Labour » de Tony Blair. Puis, plus tard, pour être sûre d’être bien comprise sur le sens de la démarche, la chef du Parti Québécois a précisé qu,elle faisait référence à « l’enrichissement individuel » des Québécois. En réplique À cette dernière déclaration, le SPQ Libre a fait paraître dans Le Devoir un texte intitulé « S’enrichir durablement, c’est s’enrichir collectivement ». La publication de ce texte a valu au SPQ Libre d’être expulsé du Parti Québécois.

Le monde qui pourrait être
Bertrand Russell
Traduit de l’anglais
Bertrand Russell est l’un des grands intellectuels du siècle dernier. Ce livre au titre plein de regrets et d’espoir m’a vraiment beaucoup plu. Russell y dresse l’historique des premières doctrines socialistes et anarchistes. Il nous y livre aussi sa pensée sur les grandes questions de société que sont le travail, les salaires, le syndicalisme, la liberté et ses limites inévitables, les relations internationales, les sciences et les arts. Un livre éclairant qui nous permet encore aujourd’hui de garder l’espoir d’un avenir meilleur.
Extrait :
L’anarchiste, aux yeux de l’homme de la rue, est un personnage qui jette des bombes et commet toutes sortes de crimes, soit parce qu’il est plus ou moins fou, soit parce qu’il dissimule sous le couvert d’opinions politiques extrêmes ses tendances criminelles. Il est évident que cette image est à tout point de vue insuffisante. Il y a des anarchistes qui croient à la vertu des bombes, mais nombreux sont ceux qui n’y croient point. On peut trouver des hommes de toutes nuances d’opinion qui sont pour la projection de bombes si l’occasion est appropriée : par exemple, les hommes qui lancèrent la bombe à Sarajevo, origine de la guerre actuelle, n’étaient pas des anarchistes mais des nationalistes. Ces anarchistes, partisans des machines infernales, ne sont pas différents en ce domaine du reste de leurs concitoyens, exception faite de cette infime minorité qui adopte l’attitude tolstoïenne de la non-violence. Les anarchistes, tout comme les socialistes, admettent en général la théorie de la lutte des classes, et s’ils se servent de bombes, c’est dans le même esprit que le gouvernement qui utilise les siennes à des fins guerrières : mais pour chaque bombe fabriquée par un anarchiste les gouvernements en fabriquent des millions, et pour chaque homme tué par la violence anarchiste, des millions sont tués par la violence des États. Nous pouvons donc écarter de notre réflexion cette question de la violence, qui prend une si grande importance dans l’imagination populaire, puisqu’elle n’est ni essentielle ni particulière à ceux qui font profession d’anarchisme.

Déraison
Horacio Castellanos Moya
Traduit de l’espagnol
Un journaliste plutôt paranoïaque se retrouve au Guatemala après avoir insulté le président de son pays. Il s’y voit charger de réviser les mille cent feuillets d’un rapport sur le génocide perpétré par l’armée contre les Indiens. C’est un travail accablant, qui va tranquillement beaucoup l’affecter psychologiquement. Le roman est écrit dans un style vivant, souvent drôle, mais toujours très réaliste, qui nous ramène historiquement en arrière, depuis le renversement du gouvernement progressiste de Jacobo Árbenz Guzmán par le gouvernement américain et la mise en place et le maintien par ce dernier des dures et cruelles dictatures qui procéderont pendant plusieurs décennies à des tueries de masse et au génocide des Indiens. Une belle découverte !
Extrait :
En effet, dans mon courrier se trouvait un message du compadre Toto, que j’ai tout de suite ouvert avec mon plus bel enthousiasme, et qui n’était pas une lettre mais plutôt une sorte de télégramme qui disait : « Hier à midi monseigneur a présenté le rapport dans la cathédrale avec tambours et trompettes ; on l’a assassiné pendant la nuit dans la maison paroissiale, on lui a bousillé la tête avec une brique. Tout le monde se chie dessus. Dis merci d’être parti ».

Le coup de lune
Georges Simenon
Un autre très bon roman de Georges Simenon. Il se déroule avec réalisme à Libreville, au Gabon, dans l’entre-deux-guerres. Il constitue de ce fait, sans que ce soit le sujet du livre, un témoignage et une remarquable critique du colonialisme. Un jeune homme, Joseph Timar, poussé par son puissant oncle, est nommé dans une concession de bois dans la grande forêt du Gabon, alors colonie française. Il s’installe à l’Hôtel Central dans la ville encore peu peuplée. Rien n’est comme il l’avait prévu. Puis survient le drame…
Extrait :
L’entretien dura un quart d’heure. On ne dit pas un mot du nègre tué, ni de l’enquête. Une fois de plus, avant le déjeuner, Timar avait la tête alourdie par l’alcool et il trouva cet état agréable, car ses pensées avaient un flottement qui rendait insensibles les angles désagréables.
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