Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec solidaire

Élection, constituante, référendum…

Ni détours, ni raccourcis sur le chemin de l’indépendance

En fouillant un peu dans les documents programmatiques de Québec solidaire (voir les textes adoptés au congrès de 2009), on retrouve une élaboration très claire des différentes étapes du processus d’accession du Québec à l’indépendance.

La première constatation est que l’Assemblée constituante se trouve au cœur de la démarche et que celle-ci doit disposer de la plus grande marge de manœuvre possible afin de constituer un véritable processus d’autodétermination collectif. L’élection d’un gouvernement solidaire est présentée comme un point de passage permettant la convocation de la Constituante - dont l’élection, la composition et le mandat doivent faire l’objet d’une loi adoptée par l’Assemblée nationale. L’autre rôle confié à l’Assemblée nationale est de proclamer la souveraineté du peuple, son droit de décider de ses institutions et du statut politique de l’État québécois, sans ingérence extérieure. Le rôle du référendum est d’accepter ou de rejeter les résultats des travaux de la Constituante. C’est le moment de la confirmation du consentement du peuple dans son ensemble au changement de statut politique et de structure politique qui sera proposé.

Ce rôle central de l’Assemblée constituante est conçu comme une conséquence logique de la stratégie combinant la question nationale avec les questions sociales et la nécessaire réforme des institutions. Il s’agit de mobiliser la population dans cet exercice participatif et républicain, en dehors des institutions héritées du colonialisme britannique et qui ont servi jusqu’à maintenant à perpétuer le statu quo. Le pari de Québec solidaire est qu’un tel processus d’autodétermination, confiant l’initiative au peuple, permettra à la fois de renforcer la volonté d’indépendance et le désir pour plus de justice sociale et de démocratie, créant une dynamique de renforcement mutuel entre la lutte sociale et la lutte nationale, à l’opposé du réductionnisme stérilisant que partagent le PQ et ON.

Dans cette démarche, la formulation de la question (ou des questions) référendaire revient à l’Assemblée constituante elle-même. C’est pourquoi il demeure une ambiguïté dans les textes quant au nombre et au type de questions qui seront posées. Y aura-t-il une seule question incluant la proposition de constitution et le nouveau statut politique du Québec ? Y aura-t-il deux questions distinctes : une sur le statut politique, une autre sur la constitution ? Pourrait-il y avoir plus d’une option quand à la constitution ? Deux ou trois options sur le statut politique ? C’est à l’Assemblée constituante elle-même qu’il convient de faire ces choix en fonction de l’évolution des débats dans la population et en son sein.
Tout ce qui précède ne signifie pas que Québec solidaire, comme parti, soit indifférent quand aux résultats du processus. Lors du même congrès (novembre 2009), le parti a aussi adopté un argumentaire solide pour l’indépendance et s’est engagé à défendre cette perspective tout au long du processus. La différence entre QS et ON est donc très claire sur ce point. Québec solidaire ne croit pas qu’il appartienne à l’Assemblée nationale de décider du statut politique du Québec ou de la réforme de nos institutions. Il faut briser le moule installé depuis la Conquête avec les constitutions adoptées à Londres, qui s’est prolongé dans les négociations au sommet entre premiers ministres. Nous ne croyons pas à une indépendance décrétée d’en haut par une poignée d’élu-e-s. Une telle démarche ne permettrait pas de générer le rapport de force nécessaire à la rupture institutionnelle avec l’État canadien. Nous ne croyons pas non plus aux « mandats de négocier » confiés au gouvernement à la suite d’une consultation sur un projet élaboré d’en haut, encore une fois, par quelques politiciens et leur entourage. C’est comme négocier avec un employeur sans même avoir de mandat de grève.

La démarche proposée par Québec solidaire repose entièrement sur le principe de la souveraineté populaire, un principe républicain en rupture total avec la tradition de la monarchie constitutionnelle britannique. Le problème des péquistes (et des hyper-péquistes de ON) est qu’ils pensent pouvoir sortir le Québec du carcan fédéral tout en respectant le cadre institutionnel actuel, de même que le statu quo socio-économique. Une vraie quadrature du cercle. Québec solidaire propose une démarche qu’on pourrait qualifier de révolution démocratique. Il s’agit de refonder les institutions de bout en bout, par un processus répondant à des critères démocratiques beaucoup plus exigeants que ceux de notre système parlementaire actuel.

Le pari de Québec solidaire est que ce type de démarche mènera logiquement à l’indépendance. En effet, pourquoi la Constituante déciderait-elle de faire la moitié d’une démarche d’autodétermination ? Pourquoi se contenterait-elle de réformer les institutions d’un Québec province ? Pourquoi, après avoir élaboré collectivement un modèle institutionnel nouveau et beaucoup plus démocratique, le peuple se contenterait-il de confier à ces nouvelles institutions des pouvoirs limités par le fédéralisme ?
Ce pari me semble beaucoup plus prometteur que ceux du PQ ou d’ON qui reposent entièrement sur leur succès dans le cadre institutionnel actuel. Option nationale prétend pouvoir rapatrier toutes les lois, tous les impôts et tous les traités (LIT) simplement en gagnant une élection provinciale ? Bonne chance ! La simple pluralité des sièges à l’Assemblée nationale ne leur donnera jamais le rapport de force nécessaire à la réalisation de ces objectifs. C’est l’illusion d’un raccourcis qui promet de générer de longs délais et bien des déceptions.

Le PQ, de son côté, pense convaincre la population d’appuyer la souveraineté seulement pour simplifier les structures administratives et confier plus de pouvoir au gouvernement du Québec, et ce sans changer ses rapports avec la population par une réforme démocratique. Il compte sur des luttes sectorielles contre le fédéral pour créer un mouvement vers la souveraineté. C’est la stratégie du détour, pour arriver à destination en donnant l’impression d’aller ailleurs. Bonne chance ! L’indifférence populaire ne va que s’approfondir à mesure que le gouvernement péquiste continue de gouverner comme les libéraux, et l’autonomisme de fait de la gouvernance souverainiste sera de plus en plus évident.

Est-ce que les propositions de Québec solidaire pourraient être plus claires ? On pourrait, par exemple, comme le propose des membres du parti dans le débat en cours, restreindre le mandat de la Constituante en lui demandant d’élaborer une seule proposition de constitution, celle d’un Québec indépendant. On pourrait aussi s’engager, du même souffle, à ce que le référendum porte uniquement sur la souveraineté du Québec. Ultimement, il reviendrait toujours à la population d’approuver ou de rejeter ce projet politique lors du référendum. Mais est-ce que les gens qui ne sont pas convaincus d’avance au sujet de l’indépendance vont vouloir participer au processus de la Constituante si cet aspect du débat est décidé d’avance par l’Assemblée nationale ? Est-ce que le processus de la constituante aura le même impact rassembleur, un impact favorable à la réalisation de l’indépendance, si on reporte le débat sur le statut politique du Québec à la campagne référendaire ? On peut en douter.

Ne serait-il pas préférable de tout mettre sur la table en même temps (institutions politiques, projet social et statut politique) dans un grand débat national participatif ? Il me semble que cette voie est la plus directe, en fait, entre l’affirmation de la souveraineté populaire et la déclaration de l’indépendance nationale.

Est-il inconcevable que le processus débouche sur l’adoption d’une constitution provinciale ? Ce n’est pas ce que Québec solidaire souhaite, mais si le peuple en décide ainsi, il faudra vivre avec les contradictions qui vont en résulter. On ne peut pas être pour la souveraineté populaire et réaliser l’indépendance sans le consentement de la population ! Mais à terme, les contradictions entre une constitution provinciale fondée sur la souveraineté populaire et une constitution fédérale monarchiste n’ayant jamais été approuvée par la population ne pourront trouver leur résolution que dans l’indépendance.

Ce qui est clair cependant est que la proposition d’une orientation univoque (l’élection, la Constituante et le référendum étant tous orientés vers l’indépendance, et aucune autre option), qui aurait le mérite de la simplicité, constitue un débat programmatique, et non un débat de plateforme électorale. Pour l’adopter, il faudrait rouvrir la section du programme du parti portant sur la question nationale et l’assemblée constituante, ce qui ne peut pas se faire en quelques semaines, d’ici le congrès du début mai. Ce que le prochain congrès pourrait faire, c’est décider d’ouvrir ce débat et en déterminer l’échéance.

À ceux et celles qui doutent de l’engagement de Québec solidaire en faveur de l’indépendance, on ne peut que répondre sur la base de nos convictions, exprimées clairement dans le programme et la plateforme. Québec solidaire s’engage à mettre la population au centre de la réflexion et des décisions quand à l’avenir national. Pour nous, la démocratie signifie plus que de répondre oui ou non à une question décidée par un petit groupe, et l’indépendance est bien plus que le simple transfert de pouvoirs d’un gouvernement à un autre. Nous voulons réaliser l’indépendance par et pour le peuple. C’est plus exigeant que les stratagèmes qui divisent le camp des péquistes et des ex-péquistes. C’est aussi une voie beaucoup plus prometteuse.

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