Édition du 12 mars 2024

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Québec

Notre système de santé est malade, remettons-le en santé

La rencontre virtuelle organisée le 23 mai par le comité intersyndical de QS Montréal et de Lutte commune a réuni en un bel après-midi ensoleillé plus de 60 personnes. Les intervenantes, des femmes impliquées directement dans la lutte à la covid, ont retracé tout comme le font les forces armées canadiennes les lacunes liées aux équipements vétustes des CHSLD, au manque d’équipements de protection et de personnel pour dispenser les soins. Toutefois, au-delà de cette description de l’état des lieux, l’auto-organisation des travailleuses et travailleurs et les luttes menées au quotidien, laissent entrevoir une relecture et une offensive pour la reprise en main par les salarié.e.s de ce service public incontournable.

Ainsi, Maude Fréchette, travailleuse sociale (APTS) de Laval, a illustré comment le désordre institutionnel dans les CHSLD a mis en place les conditions pour que de ce terreau, les travailleuses de la base repensent tous les services de santé. C’est ce qui s’est passé lorsque des intervenant.e.s ont été déplacé.e.s des CLSC, centres hospitaliers ou cliniques vers les CHSLD sans plan de travail. Tous corps d’emploi confondus, elles ont été intégrées dans des zones chaudes sans préparation, consignes, sans reconnaissance des lieux. L’auto-organisation que les intervenantes ont mis en place sur « messenger » a permis d’établir une manière de faire qui protège les salarié.e.s et apportent le soutien requis aux résidents. Une solidarité nouvelle, inter-organisation syndicale s’est développée.

Natalie Stake-Doucet, infirmière, de son côté a fait ressortir l’écart entre le discours du trio Legault, McCann, Arruda qui occupe l’espace public avec des demi-vérités, alors que sur le terrain, on se débrouille avec les moyens du bord. Ainsi, ce sont 100 000 masques recueillis auprès d’intervenants en santé mis sur la touche qui ont été distribués malgré les obstacles dressés par les directions locales. Des solutions ont été trouvées sur place, par les personnels qui ont trouvé réponse à la mauvaise gestion qui avait cours sur le terrain. Ce ne sont pas les organisations syndicales mais les syndiqué.e.s qui ont pris à bras le corps de modifier des pratiques qui mettaient en danger la santé des résidents et des travailleuses et des travailleurs. « Malgré les menaces, les sanctions, la dangerosité du travail, on sait ce que l’on a à faire », de dire Natalie.

Michelle Gonzalez, infirmière du New-York State Organisation, travaille dans le Bronx, l’épicentre de la pandémie à New-York. Les manques criants de matériels de protection en mars dernier au Jacobi Medical Center les ont tout d’abord apeuré.e.s, puis mis en colère pour les amener finalement à manifester publiquement contre cette situation. Le soutien de leur syndicat ne leur était pas acquis mais en garantissant le respect des mesures de distanciation, elles ont eu leur aval. Elle explique qu’il fallait agir, la situation était trop grave et on ne pouvait pas attendre que les politiciens bougent. Elles ont agi et cela a fait boule de neige. Ces mobilisations, stimulées par les échanges des groupes Whatsapp mis en place par Labor Notes, sont à l’origine de la journée d’action des infirmières qui a mené à des actions partout aux États-Unis le 15 avril dernier faisant résonner : « Le système de santé est cassé ! Réorganisons-le non pour faire de l’argent, mais au service de la population ! »
Chantal Morin, préposée aux bénéficiaires (PAB) de nuit au CIUSS de l’Est de Montréal, pour sa part, a illustré sans équivoque le mépris tatillon dont elle et ses collègues sont victimes. Depuis la mise en place du décret déclarant l’état d’urgence sanitaire sur tout le territoire québécois le 13 mars 2020, les conventions collectives et les droits des salarié.e.s des établissements de santé ont été suspendus. Les annonces faites en conférences de presse de hausses salariales de 4% (zone dite froide) et de 8 % (zone chaude) qui devaient inciter les PAB à retourner au travail se sont traduites par des augmentations de 0,25$ h à 0,87$ h. Comme la réponse n’était pas au rendez-vous, une prime de 1000$ par mois a été offerte pour tout PAB à temps plein qui ne manque pas une journée de travail. Pour ajouter à ces offres salariales dérisoires, les gestionnaires locaux déplacent les PAB durant leur quart de travail pour ne pas reconnaître leur droit à la prime de 8%. « Non, ça ne va pas bien dans nos établissements. Aller sur le Facebook de François Legault pour le lui dire. »

Ces interventions des plus percutantes ont soulevé l’indignation des participant.e.s. La nécessité de s’organiser à la base est ressortie des réponses des intervenantes. Toutefois, cet exercice s’avère être le parcours du combattant. En effet, les structures syndicales de base ne sont pas faites pour répondre à des urgences terrain. La judiciarisation des relations de travail et le recours au grief est le mode usuel qui a cours alors que des réponses immédiates urgentes sont nécessaires en temps de covid. Il faut agir, toutes quatre en sont convaincues mais tel que l’indiquait Maude : « Il faut bien s’organiser et avoir la possibilité d’un gain potentiel pour initier le mouvement et que nos membres s’impliquent. Pour y parvenir, il faut réussir à répondre aux préoccupations de nos collègues et faire de la formation politique sur les enjeux qui nous concernent. Il faut reconquérir notre droit au travail. » Vivement une suite à cette rencontre initiée par le comité intersyndical de QS Montréal et Lutte Commune.

Ghislaine Raymond
27 mai 2020

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