Édition du 23 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Pourquoi voter ? (deuxième partie)

Les résultats de l’élection européenne de dimanche ont confirmé les prédictions de la plupart des observateurs. À peine un peu plus de 40 % des gens ont voté. L’extrême droite a avancé presque partout, avec ses slogans anti-Union européenne. La droite « traditionnelle » a tenu le coup, même si elle a été souvent devancée par l’extrême droite, sauf en Allemagne. Le social-libéralisme, presque partout, a été fortement secoué avec des scores lamentables qui placent le PS (France) notamment loin en troisième place. La gauche a fait très bien en Grèce (Syriza est devenu le premier parti), a bien progressé en Espagne (le nouveau parti Podemos devient deuxième à Madrid), mais elle stagne en France. La victoire de l’extrême droite doit être relativisée puisqu’elle est très loin d’être majoritaire (avec des 20-25 % des voix) qui sont en bonne partie des votes de protestation et de rejet des partis « traditionnels, mais il serait naïf de penser que cette percée n’a aucune signification.

Dislocation

On constate en gros un émiettement des forces politiques, droite contre droite, gauche contre gauche, sans que grand-chose de clair n’en émerge. Les citoyens et les citoyennes sont désarçonnés par les assauts contre les conditions de vie qui sont imposés par la droite « traditionnelle » et les partis sociaux-libéraux (anciennement social-démocrates). La polarisation classique entre la droite et la gauche ne tient plus la route puisque sur le fond, les deux tendances qui ont monopolisé la scène politique depuis 50 ans sont à peu près sur la même longueur d’onde. S’ils s’accrochent à une Union européenne totalement méprisée et méprisable, c’est que celle-ci a été un formidable véhicule pour accélérer les « réformes » néolibérales.

Les gauches

Comme dans beaucoup de pays dans le monde, la gauche reste la bannière de la résistance anti-néolibérale et s’active dans les mouvements sociaux. Elle a une capacité d blocage impressionnante, mais elle n’est pas crédible comme alternative politique, à part la Grèce où Syriza est un sérieux prétendant pour gagner les prochaines élections. Beaucoup de gens sont sceptiques. D’autre sont peur. Une partie importante de la population, surtout les jeunes, ne vote même pas.

L’impact

Partout également, les débats indiquent une critique sévère et systématique de la démocratie « de basse intensité » qu’on nous présente comme la quintessence des droits. Je pense que ce sentiment est légitime, mais il y a aussi un revers à cela. L’abstentionnisme reflète un certain cynisme, un sentiment d’impuissance : « on ne peut rien faire ! » Ce n’est pas nécessairement une expression de révolte. Également, qu’on aime cela ou pas, le score des divers partis a un impact. Que l’extrême droite devienne le principal parti est un indicateur d’une dérive de la politique vers la droite. Le fait que Syriza devienne le premier parti en Grèce est également un indicateur qui a un effet positif sur le moral et la détermination des forces qui œuvrent pour le changement.

La « majorité silencieuse »

Dans tous les pays, une grande partie de la population croit encore à l’importance de la démocratie représentative. Pendant longtemps, les gauches, notamment communistes et libertaires, ont tenté de changer cela, mais je ne crois pas qu’elles aient réussi. Au pire, cela a abouti à donner l’impression que les gauches pouvaient aller à l’encontre de la majorité des citoyens. Quelques fois même, cette réalité a été justifiée de manière maladroite : « les minorités actives sont une « avant-garde » », « elles seules peuvent faire évoluer les choses ». Bien que des acteurs au départ minoritaires puissent prendre l’initiative et briser la glace, il serait illusoire que des grands changements puissent survenir sans l’appui d’une masse critique. C’est pourquoi dans la tradition de Gramsci, il est important de créer une alliance majoritaire, un bloc social actif qui puisse poser de tout son poids. La participation aux élections fait alors partie de cette lutte patiente (et épuisante) pour gagner la majorité. Elle permet de se faire connaître en dehors du « périmètre » militant, au-delà des gens qui sont déjà organisés, et de redonner espoir à des « majorités silencieuses ». Pour que cela survienne, il faut beaucoup d’efforts, presque toujours dans des conditions d’une extrême adversité, compte tenu de la volonté des dominants de pervertir et de corrompre l’exercice de la démocratie représentative. Pour autant, il n’y a pas de raccourci dans la lutte politique.

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