Dislocation
On constate en gros un émiettement des forces politiques, droite contre droite, gauche contre gauche, sans que grand-chose de clair n’en émerge. Les citoyens et les citoyennes sont désarçonnés par les assauts contre les conditions de vie qui sont imposés par la droite « traditionnelle » et les partis sociaux-libéraux (anciennement social-démocrates). La polarisation classique entre la droite et la gauche ne tient plus la route puisque sur le fond, les deux tendances qui ont monopolisé la scène politique depuis 50 ans sont à peu près sur la même longueur d’onde. S’ils s’accrochent à une Union européenne totalement méprisée et méprisable, c’est que celle-ci a été un formidable véhicule pour accélérer les « réformes » néolibérales.
Les gauches
Comme dans beaucoup de pays dans le monde, la gauche reste la bannière de la résistance anti-néolibérale et s’active dans les mouvements sociaux. Elle a une capacité d blocage impressionnante, mais elle n’est pas crédible comme alternative politique, à part la Grèce où Syriza est un sérieux prétendant pour gagner les prochaines élections. Beaucoup de gens sont sceptiques. D’autre sont peur. Une partie importante de la population, surtout les jeunes, ne vote même pas.
L’impact
Partout également, les débats indiquent une critique sévère et systématique de la démocratie « de basse intensité » qu’on nous présente comme la quintessence des droits. Je pense que ce sentiment est légitime, mais il y a aussi un revers à cela. L’abstentionnisme reflète un certain cynisme, un sentiment d’impuissance : « on ne peut rien faire ! » Ce n’est pas nécessairement une expression de révolte. Également, qu’on aime cela ou pas, le score des divers partis a un impact. Que l’extrême droite devienne le principal parti est un indicateur d’une dérive de la politique vers la droite. Le fait que Syriza devienne le premier parti en Grèce est également un indicateur qui a un effet positif sur le moral et la détermination des forces qui œuvrent pour le changement.
La « majorité silencieuse »
Dans tous les pays, une grande partie de la population croit encore à l’importance de la démocratie représentative. Pendant longtemps, les gauches, notamment communistes et libertaires, ont tenté de changer cela, mais je ne crois pas qu’elles aient réussi. Au pire, cela a abouti à donner l’impression que les gauches pouvaient aller à l’encontre de la majorité des citoyens. Quelques fois même, cette réalité a été justifiée de manière maladroite : « les minorités actives sont une « avant-garde » », « elles seules peuvent faire évoluer les choses ». Bien que des acteurs au départ minoritaires puissent prendre l’initiative et briser la glace, il serait illusoire que des grands changements puissent survenir sans l’appui d’une masse critique. C’est pourquoi dans la tradition de Gramsci, il est important de créer une alliance majoritaire, un bloc social actif qui puisse poser de tout son poids. La participation aux élections fait alors partie de cette lutte patiente (et épuisante) pour gagner la majorité. Elle permet de se faire connaître en dehors du « périmètre » militant, au-delà des gens qui sont déjà organisés, et de redonner espoir à des « majorités silencieuses ». Pour que cela survienne, il faut beaucoup d’efforts, presque toujours dans des conditions d’une extrême adversité, compte tenu de la volonté des dominants de pervertir et de corrompre l’exercice de la démocratie représentative. Pour autant, il n’y a pas de raccourci dans la lutte politique.