Édition du 20 mai 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

À propos de l’actualisation du programme de Québec solidaire

Un programme ne peut se contenter de présenter une vision politique et une philosophie gouvernementale.

Le mandat de la révision du programme est interprété par le texte Programme actualisé - ÉBAUCHE version 1 [1] - comme visant à faire du programme de QS une « vision politique guidant une philosophie gouvernementale générale de transformations sociales et politiques ». La révision « doit mettre de côté des engagements politiques trop spécifiques et présenter les grandes orientations politiques du parti, en dehors des réflexions conjoncturelles. » Cela signifie que cette version du programme élimine les analyses précises de la situation dans laquelle Québec solidaire doit œuvrer et des revendications précises que devrait défendre Québec solidaire comme parti ou comme gouvernement.

Cette conception du programme implique que le programme ne porte pas d’orientations et des revendications précises en ce qui concerne l’élaboration des plates-formes électorales et ne fournit aucune précision sur les actions proposées comme parti de la rue sur les enjeux précis en dehors des périodes électorales. Alors que la situation économique, politique et écologique évolue à vitesse grand V et nous place devant de nouveaux enjeux, on ne peut se contenter d’en rester à des considérations idéologiques générales et à un travail de réécriture formelle et se contenter « d’éliminer les éléments caducs et trop spécifiques. »

Le programme de Québec solidaire doit tracer :
• une analyse des problématiques qui traversent la société dans laquelle nous vivons, que ce soit aux niveaux local, national ou international ;
• les orientations et les propositions que nous faisons à la population, qui permettraient de résoudre ces problématiques dans une perspective de transformations sociales visant égalité et émancipation ;
• et des stratégies permettant de parvenir à réaliser notre projet de société. Cela signifie qu’il identifie les forces sociales pouvant se saisir de ces propositions ainsi que les initiatives qu’elles peuvent prendre pour résister immédiatement, afin de concrétiser des perspectives en termes de débouché politique.

Nous appliquerons cette conception du programme à la critique du premier chapitre de l‘ébauche d’actualisation du programme intitulé : créer une économie verte et solidaire.

CHAPITRE 1 : CRÉER UNE ÉCONOMIE VERTE ET SOLIDAIRE )

Introduction

L’introduction souligne que « pour Québec solidaire, un système économique est au coeur de cette crise (environnementale) : le capitalisme », que « Québec solidaire entend, à terme, dépasser le capitalisme », qu’il vise à « donner au peuple du Québec les moyens concrets d’exercer sa souveraineté sur son économie et son avenir, sur un territoire sain », et qu’il va promouvoir « une économie axée sur un principe du commun pour assurer une création de richesse au service de la collectivité » et qu’il prendra « des mesures déterminantes pour réorienter le modèle de développement québécois vers plus d’écoresponsabilité et de démocratie. »

Si on peut se questionner sur ce que signifie l’expression du dépassement à terme du capitalisme. Parler d’un modèle de développement faisant plus de place à l’écoresponsabilité, c’est flou à souhait. On a ici une bonne illustration de ce que l’on entend par la réduction du programme à une vision politique. En fait, dans cette approche, l’analyse de la situation économique et politique est escamotée, les classes sociales, leurs intérêts divergents et les rapports de force entre ces dernières sont invisibilisés. On verra que cela demeure une constante dans l’ensemble du texte de l’ébauche.

Les objectifs d’une économie solidaire

La seule priorité affirmée en ce qui a trait à la lutte aux changements climatiques est celle de réaliser, « d’ici 2050, une économie décarbonisée, c’est-à-dire de réduire de 95% les émissions de gaz à effet de serre (GES) en dessous du niveau de 1990. »

Cette seule priorité clairement définie ne se distingue en aucune façon de celle avancée par les autres partis politiques au Canada et au Québec. Aucune cible pour 2030 ; aucune reprise des propositions du GIEC et des groupes écologistes en termes de cible. On se contente de généralités sur l’accélération de la transition socioécologique sans en définir le contenu.

En ce qui concerne la biodiversité, le texte affirme que « nous devons en arriver à une société où la cohabitation harmonieuse entre territoires protégés et territoires développés deviendra la règle et non l’exception. » Mais aucun des fondements de la perte de la biodiversité ne sont identifiés soit la prédation des ressources naturelles (mines et forêts), l’artificialisation générale des sols, l’agriculture industrielle centrée sur des monocultures et sur la production carnée. Sans constats essentiels on en reste à des généralités.

« Considérant ce qui précède, Québec solidaire vise, à long terme, la socialisation des activités économiques. Il est normal que l’économie devienne l’affaire du peuple et non d’une minorité. »

Un programme ne doit-il pas d’expliquer pourquoi il n’en est pas ainsi et comment parvenir à faire de l’économie l’affaire du peuple et d’indiquer les obstacles qui devront être renversés pour ce faire. On indique bien la création par le gouvernement d’entreprises collectives, mais est-ce pour entrer en concurrence avec les entreprises occupant déjà le terrain. Où vont être pris les fonds qui vont permettre la création de telles entreprises ?

Comment atteindre nos objectifs

« Québec solidaire propose de sortir du modèle économique dual (privé-public) pour adopter un modèle quadripartite : 1. une économie sociale… 2. une économie domestique … 3. une économie publique étatique et paraétatique… 4. une économie privée … Considérant ce qui précède, Québec solidaire vise, à long terme, la socialisation des activités économiques. » «  Considérant ce qui précède, Québec solidaire vise, à long terme, la socialisation des produits et des services. » L’économie privée est définie comme « composée d’entreprises dont le but est de produire et de vendre des produits et des services. » Cette définition fait disparaître la notion de profit et le capital financier et foncier.

Cette conception du modèle économique quadripartite n’explique pas qu’il y a une économie dominante, l’économie capitaliste et que celle-ci informe les autres secteurs de l’économie. L’économie domestique est articulée à l’économie capitaliste et fournit un soutien à la reproduction de la force de travail capitaliste. L’économie domestique est un des lieux de l’exploitation des femmes au service de l’économie capitaliste : utilisation du travail gratuit des femmes dans la production, la formation et l’entretien de la force de travail pour l’économie capitaliste. Faut-il entretenir ou favoriser le dépérissement de l’économie domestique ? La socialisation des tâches domestiques peut se concrétiser par la généralisation de garderies publiques, cafétérias publiques, ateliers de réparation de vêtements … ne devrait-elle pas être développée ? Soeit-on favoriser le salaire au travail ménager ou la socialisation des tâches domestiques ?

L’économie sociale est le plus souvent prise dans les obligations du marché. L’économie publique est constamment soumise aux pressions à la privatisation, comme le révèle clairement la privatisation du système de santé. La socialisation ne peut se réduire à l’économie sociale ou aux coopératives, qui ne sont pas en rupture avec l’économie capitaliste. On voit comment les Caisses Desjardins ont été remodelées selon les normes du grand capital financier.

L’économie privée capitaliste est dominée par les grandes entreprises (souvent multinationales) et les grandes banques qui contrôlent nombre de PME. Que signifie la socialisation des produits et des services, si les grandes entreprises continuent à déterminer les choix de production et de consommation en s’appuyant sur la propriété des entreprises et de banques.

« Il est normal qu’elle devienne l’affaire du peuple et non d’une minorité. Il faut que la logique de l’accumulation illimitée du profit cesse de guider notre économie, c’est impératif pour réussir la nécessaire transition écologique. » Comment y parvenir ? Quels sont les obstacles ? Quels intérêts contradictoires sont-ils en jeu ?

La socialisation (expropriation des grandes entreprises et contrôle des travailleurs et des travailleuses et des citoyen-nes) des principaux moyens de production et d’échange, la socialisation des banques sont inévitables si nous voulons casser la domination de la minorité capitaliste dominante. Éviter de poser cette nécessité, c’est croire que nous pouvons changer la dynamique d’évolution de l’économie sans remettre en cause les pouvoirs les plus structurants sur cette économie.

Approche différente de la socialisation, la nationalisation de certaines industries stratégiques (leur mise sous contrôle gouvernemental) sera nécessaire pour assurer la transition socioécologique. Québec solidaire établira trois critères qui mènent à la nationalisation :
1. Le caractère stratégique d’une ressource ou d’un secteur pour la transition socioécologique
2. Une grande quantité de capital est nécessaire pour l’achat d’entreprises existantes soit pour des investissements
3. La démonstration de l’échec du secteur privé à gérer cette ressource ou ce secteur.

Ce paragraphe sur la nationalisation est plus clair que ce qui avait dans le programme qui demeurait toujours au conditionnel. Ne faudrait pas définir les ressources et les entreprises stratégiques au lieu de s’en tenir à un critère abstrait. Faut-il exclure l’expropriation sans compensation d’entreprises qui se sont payées depuis longtemps par leur prédation sur les richesses naturelles du Québec ? Les nationalisations doivent-elles être inspirées par une logique technocratique comme cela a été le cas pour Hydro-Québec ou les nationalisations ne doivent-elles pas jeter les bases d’une socialisation -démocratisation de ces secteurs de l’économie. La disponibilité d’une grande quantité de capital nécessaire à la reconstruction de l’économie et au financement de la transition énergétique passera par la socialisation des banques… et la création d’une banque centrale dans un Québec indépendant.

Occupation et aménagement du territoire

Les propriétaires immobiliers doivent être expropriés et les grandes entreprises de construction doivent être placées sous le contrôle public pour pouvoir faire de la construction de logements sociaux une priorité. Les grandes entreprises de construction sont guidées par la logique du marché, par la recherche de ventes les plus lucratives. Et comment la richesse se concentre de plus en plus dans les sommets de la société, elles produisent des condos de luxe pour une clientèle fortunée et ne se lancent pas dans la construction de logements à faible coût.

L’eau et l’énergie

L’eau

Le texte reprend à son compte le principe de l’eau comme bien commun, mais des enjeux essentiels sont passés sous silence : les dégâts causés par Hydro-Québec par les barrages hydro-électriques, l’utilisation industrielle massive de l’eau par les minières et les projets énergivores (aluminium, batteries et hydrogène dit vert) ; et l’exportation d’eau en vrac et sa mise en marché par des embouteilleurs. Ces situations doivent être dénoncées, pour clarifier les cibles des luttes qui seront à mener. L’ébauche parle de redevances. Pourquoi ? Cela veut-il dire qu’on n’exclut pas une certaine privatisation de cette ressource.

L’énergie

« La souveraineté énergétique du Québec doit être prise en charge par le secteur public et la transition vers un autre système énergétique doit comprendre en priorité les économies d’énergie et les énergies renouvelables. La stratégie de l’État québécois doit être établie démocratiquement par toute la collectivité, dans laquelle les personnes salariées des secteurs impliqués ont leur mot à dire en collaboration avec les citoyennes et citoyens des différentes communautés concernées. »

Mais le texte ne propose aucune transformation du modèle énergétique : offre infinie, centralisation, exportation massive ni aucun plan de réduction de la production et de la consommation d’énergie au Québec et la réorientation d’Hydro-Québec vers la sobriété énergétique. Il faudrait orienter toute l,économie, notamme l’énergie, vers la décroissance démocratiquement planifiée en accord un rôle central aux travailleuses et travailleurs et aux collectivités territoriales.

Si la production de l’hydro-électricité est importante et est essentielle pour l’éclairage et le chauffage. Une grande partie de l’énergie utilisée au Québec provient de l’importation des énergies fossiles ? Pourquoi, parce que le système de transport est basé sur des autos et camions qui fonctionnent aux énergies fossiles et que le transport public est sous-développé.

Au lieu de faire ce lien, on reporte la question des transports à une partie intitulée nos activités économiques : nous déplacer, produire, consommer et jeter. On nous propose de « préparer un vaste plan de transport à l’échelle du Québec. Québec solidaire entend diminuer la prédominance de l’auto privée comme principal moyen de transport » et de préparer « un vaste plan de transport du Québec , incluant le développement du transport des personnes et des marchandises. »

Mais on ne nous dit rien sur ce plan. On n’identifie pas les intérêts en jeu. On n’explique pas que les grands de l’auto veulent continuer à développer l’ampleur du parc automobile. On n’inscrit pas ce plan dans une logique d’économie d’énergie et de métaux.

Comme le rappelait le Réseau Militant Écologiste dans nombre de ces publications, une politique énergétique alternative (proposition du RMÉ) passera par
• La nationalisation des énergies propres et renouvelables et le renforcement du rôle des entreprises publiques dans ce domaine, notamment celui d’Hydro-Québec.
• Le refus de la privatisation d’Hydro-Québec – et l’abrogation de toutes les lois privatisant l’énergie au Québec.
• Le rejet de la filière batteries et de l’auto électrique comme solution à la crise climatique et la production locale de moyens de transports publics (tranis, autobus, tramways) pour les personnes, et la nationalisation des chemins de fer existants pour le transport des marchandises.
• L’implantation des initiatives prioritaires de sobriété et de décroissance énergétiques, notamment la réduction du parc automobile, l’accessibilité au transport en commun public, gratuit et adapté aux réalités régionales, dla rénovation massive et écologique des logements, la durabilité et la réparabilité des biens.
• Le soutien à la recherche et l’innovation publiques dans le domaine de l’énergie propre et renouvelable.
• La mise en place d’une planification écologique et démocratique qui réponde de manière résiliente aux besoins énergétiques de la population aux échelles locale, régionale et nationale, et qui donne un rôle primordial et décisionnel aux travailleuses et travailleurs concerné·es.
• La mise en place des mécanismes démocratiques et décentralisés pour une participation citoyenne directe dans la gestion des ressources énergétiques.
• Le soutien des municipalités dans le développement et la gestion des microréseaux intelligents énergétiques adaptés à leurs besoins.
• Le refus de la relance de la filière nucléaire, y compris l’exploitation de l’uranium.

L’agriculture et l’alimentation

L’agriculture est traitée de la même façon, on nous présente une série de principes les plus intéressants les uns que les autres. :

« •La souveraineté alimentaire du peuple québécois. •La sécurité alimentaire de la population québécoise. •Une agriculture écoresponsable. •Une surveillance étroite de la salubrité des aliments et l’identification de leur provenance et de leur composition. •La valorisation du métier d’agriculteur, agricultrice. •La sécurité du revenu et la qualité de vie des agriculteurs et agricultrices. •Le soutien à la relève agricole, particulièrement des agricultrices. •Le bien-être animal. •La protection et l’occupation dynamique du territoire agricole. Une mise en valeur des paysages et de la biodiversité des territoires. •La protection du secteur agroalimentaire dans les accords de libre-échange. • La préoccupation de contribuer à nourrir la planète dans le respect d’un commerce juste et équitable. »

Là encore, on se contente d’élaborer de grands et beaux principes. On ne propose pas d’affronter directement le pouvoir des grandes entreprises de l’agro-industrie ni celui des grandes chaînes de distribution. On se contente de « soutenir » un autre modèle. Mais il ne pourra s’imposer tant que l’agriculture sera soumise aux lois du capital.

Pourtant, l’agro-industrie productrice des matériels agricoles et des semences et la grande distribution déterminent les conditions de la production agricole, les prix payés aux producteur·trices, les conditions de travail dans la chaîne de production et de transformation. Elles dictent aussi les politiques de transport, de transformation, de conservation et de mise en marché. Il est donc essentiel de remettre en cause ce pouvoir ; sans parler de l’endettement des producteurs agricoles par le capital financier.

Mais surtout, on ne dit rien sur la façon d’appliquer les grands principes mentionnés. On ne précise pas quels sont les obstacles et les groupes d’intérêts devront être confrontés pour appliquer ces principes. Peut-on par exemple parler de bien-être animal, sans préciser comment dépasser les grands élevages industriels et la production carnée centrée sur l’exportation. Peut-on parler de défense de la biodiversité, sans indiquer comment les monocultures et l’élevage industriel, l’utilisation de polluants chimiques, l’exploitation des forêts constituent des attaques à la biodiversité. Peut-on assurer la souveraineté alimentaire sans définir un programme de définanciarisation du secteur agricole pour mettre fin à l’endettement des producteurs agricoles. Et ainsi de suite…

Les mines et la forêt

« Afin de concrétiser la responsabilité publique et collective des ressources naturelles québécoises, Québec solidaire préconise de placer l’industrie minière sous une étroite surveillance publique, en nationalisant, au besoin, des minéraux stratégiques. De plus, afin de réaffirmer la souveraineté de l’État et de la collectivité sur le territoire québécois, un gouvernement solidaire élaborera une nouvelle loi sur les mines à la suite d’une consultation populaire. Un gouvernement solidaire transformera le secteur forestier en commençant par surveiller et évaluer en continu les entreprises publiques, privées ou coopératives qui interviennent en forêt à partir de critères et d’objectifs socioécologiques, avec retrait de contrat en cas d’échec. »

Pour l’industrie forestière, le programme propose également de placer, au besoin, cette industrie sous contrôle public, mais on refuse d’affirmer que ce contrôle public ne peut reposer que sur la nationalisation/socialisation des grandes entreprises de cette industrie. Le contrôle public n’est pas défini dans cette ébauche d’actualisation du programme.

Il faut analyser et décrire les ravages du modèle forestier actuel et préciser la nécessité de réduction des volumes de coupes, la récupération des droits de coupes par les communautés locales et soutenir la gestion de proximité par les communautés locales et les nations autochtones.

L’ébauche d’actualisation du programme souligne la nécessité de nationalisation, du moins partielle et avance des propositions qui décrivent ce que serait une gestion écosystémique de la forêt. Ce n’est pas sans intérêt, mais le but d’un programme est d’indiquer les voies de la construction du pouvoir populaire permettant d’imposer cette démocratie économique et l’usage des ressources naturelles pour satisfaire les besoins de la majorité de la population. Sinon, on en reste aux grands principes, on ignore les combats réels qui sont à mener.

Une orientation générale en matière d’utilisation sobre des ressources naturelles nécessitera une rupture avec l’économie capitaliste afin de remettre à la majorité populaire la possibilité de faire les choix économiques et écologiques nécessaires à la satisfaction des besoins essentiels et à la protection de la nature.

Encadrer le libre-échange et la finance

« Suivant la même logique, Québec solidaire mettra de l’avant certains principes devant guider à une refondation de cadre international en matière de finance : limitation des activités spéculatives ; abolition du secret bancaire ; interdiction des transactions avec les paradis fiscaux ; et meilleure taxation des institutions financières. »

Il ne s’agit pas seulement d’encadrer le libre-échange, il faut définir les secteurs stratégiques de l’économie qui ont été délocalisés et qui doivent être relocalisés.

La socialisation des banques est nécessaire pour disposer du capital-argent et être capable de financer les investissements nécessaires à la réorientation de l’économie dans le sens de la post-croissance et de la production de biens au service de la majorité populaire.

L’ébauche ne développe pas assez les leviers fiscaux. Pourtant, sans réforme radicale de la fiscalité, la transition écologique et sociale restera impraticable. Il faut donc : taxer massivement la richesse, les profits et les héritages ; fermer les échappatoires fiscales et lutter contre l’évitement fiscal des grandes entreprises, repenser le rôle de la Caisse de dépôt et les autres sociétés para-étatiques similaires, pour en faire un outil de transformation économique et non un fonds spéculatif.

Humaniser le travail

Le programme de Québec solidaire de 2019 divisait cette section en six parties : 1. politique de plein emploi, 2. reconnaissance du travail non rémunéré, 3. réduction du temps de travail, 4. protection des emplois, 5. santé et sécurité au travail et 6. droits syndicaux, 7. La discrimination du travail, 8. le salaire minimum.

Si le texte de l’ébauche suit, dans l’ensemble, la même structure, les revendications retenues sont moins précises. Cela est vrai tant de la réduction du temps de travail, des mesures concernant les droits syndicaux que la discrimination ou le salaire minimum. Au lieu de fixer une cible à la réduction du temps de travail réduction de la semaine de travail à 35 heures, puis à 32 heures sans baisse des salaires comme cela était faite dans le programme initial, on écrit « un gouvernement solidaire réduira le temps de travail et accordera une plus grande flexibilité aux travailleurs et travailleuses dans leurs horaires de travail, notamment afin de faciliter la conciliation famille-travail. » Des revendications précises permettent d’utiliser le programme non seulement comme un guide pour de futures politiques gouvernementales, mais également pour un guide pour l’action et dans les luttes extraparlementaires avec nos allié-es des mouvements sociaux, notamment les syndicats.

Conclusion

En conclusion, l’ébauche d’actualisation du programme fait un rappel essentiel, mais tardif : « une élite, une minorité a tout avantage à conserver le système tel qu’il est. Elle est composée des personnes qui profitent financièrement de la destruction de l’environnement, qui exploitent les travailleuses et les travailleurs et qui près du pouvoir, qui veulent conserver leurs privilèges et ceux de leurs amis. Ces élites feront tout en leur pouvoir pour ralentir la transition, tout en prétendant être très préoccupées par les changements climatiques, bien sûr » et d’ajouter : « Pour affronter ces forces réactionnaires, le Québec doit compter sur une longue tradition profondément ancrée de pratiques démocratiques, écologiques, autogestionnaires, coopératives et communautaires ».

C’est sûr, mais n’est-ce pas l’objectif de ce programme de préciser ces pratiques, de proposer des stratégies et les alliances qu’il faut nouer pour parvenir à nos objectifs de transformations sociales. C’est pourquoi un programme ne peut être réduit à présenter une vision politique et une philosophie gouvernementale générale, et il doit être également un guide pour la lutte, y compris sur le terrain extraparlementaire.

L’ébauche de révision du programme de Québec solidaire affirme vouloir sortir du capitalisme « à terme », mais il n’explicite pas ce qu’il oppose comme alternative systémique. L’idée d’une économie « au service du bien commun » reste floue si elle n’est pas accompagnée d’un projet clairement anticapitaliste, écosocialiste, démocratique et planifié.


[1Les textes en italiques sont des citations de l’ébauche du programme actualisé

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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