Édition du 23 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Ça va barder

On est enfin au printemps. Il fait beau, on est dehors, le vert nous envahit. Et on se dit, dans quelques semaines, que cela va être la grande pause. Pourquoi s’en faire ? C’est normal, on ne peut pas toujours penser aux (petits ou grands) malheurs.

En fin de semaine, on va quand même discuter à la Grande transition (LGT). C’est maintenant un évènement annuel, avec plusieurs centaines de personnes. Cette année, les inscriptions sont fermées depuis une semaine (faute de place), ce qui prouve l’appétit pour la chose. Mince consolation, vous allez pouvoir regarder les travaux en ligne. Vous aurez appris la leçon, et bientôt, on pourra s’inscrire à LGT2020, où sont attendus plusieurs milliers de personnes dans un méga et multi débat international.

Bref, cette fin de semaine, on va regarder plusieurs choses, dont les défis de confronter un gouvernement très marqué à droite, et en plus, « intelligent », qui réussit jusqu’à un certain point à éviter les confrontations. En fin de compte, la CAQ réunit les vielles idées réactionnaires avec le mélange de « modernisme » de façade et de nationalisme « soft ». Il ne faut surtout pas sous-estimer cet adversaire.

Jusqu’à date, le plan de bataille de Legault en est encore à sa première phase. Le grand détournement de sens contre les immigrant-es avec l’aide de l’islamophobie tient assez bien la route. Au-delà des discours, on cible une partie de la population, à qui on fait porter le poids de la précarité, de l’insuffisance des services publics, de l’exclusion. C’est cela qui reste dans la tête des gens, malgré ce qu’en pensent des naïfs et des naïves qui défendent l’inique projet de loi au nom des « droits des femmes » et de la fausse laïcité.

Tout en nageant dans les surplus budgétaires, il est clair que Legault entend continuer dans l’austéritarisme. Les nouvelles dépenses annoncés sont pour des projets qui relèvent davantage de ses obsessions plutôt que de véritables priorités (les maternelles à 4 ans). La CSN l’a bien vu venir en lui disant qu’il devrait recommencer par réinvestir dans le secteur public dévasté par tant d’années de négligence, tant du PLQ que du PQ. Signe avant-coureur inquiétant, Legault ne s’est pas gêné de dire aux vaillants grévistes d’ABI qu’ils « exagéraient », ce qui encore quand même un certain message. Il serait surprenant qu’il parle autrement aux 500 000 personnes qui vont renégocier leurs conventions collectives dans le secteur public d’ici quelques mois.

Et évidemment, il y a l’indifférence coupable de la CAQ devant les enjeux environnementaux. Sur le fonds de leurs pensées, la majorité des ténors de la CAQ pensent de cet enjeu à peu près la même chose que le Parti conservateur, mais ils ne le disent pas, parce qu’ils ont honte et en plus, parce que ça passe mal. En apparence, Legault doit naviguer refuser la relance du sinistre projet d’Énergie-est, tout en approuvant le pipeline qui doit apporter les déchets de l’Alberta vers le Saguenay. On entend déjà les médias poubelles comme le Journal de Montréal ricaner contre les écologistes qui veulent « sauver les bélugas »…

Avec tout cela, la CAQ et Legault ont ce qu’on pourrait appeler un bon « fonds de commerce. En plus, ils bénéficient de facteurs externes. Pensons notamment à la dégringolade continue du PQ dont la direction, aussi maladroite que mal avisée, embarque elle-même sur le terrain de la CAQ (le nationalisme identitaire). Un autre facteur qui peut aider Legault est l’élection fédérale qui aura lieu en octobre prochain. Il va ressortir les vieilles rengaines de Duplessis pour défendre l’« autonomisme » provincial, ce qui va encore là conforter son image auprès des électeurs nationalistes.

Pour autant, aucun des problèmes « fondamentaux » qui confrontent la société au Québec ne seront sérieusement résolus. Ni sur le plan économique, au moment où la mondialisation néolibérale menace tout le monde, avec les mêmes « recettes » (précarisation, privatisation, fermetures ou contractions programmées d’entreprises (les « beaux fleurons » qui partent les uns après les autres). Ni sur le plan environnemental ou politique. Si on ajoute à cela la pression croissante qui va venir des États-Unis de Trump pour que le Canada (et donc le Québec) embarque dans la phase 2 de la « guerre sans fin » amorcée depuis 20 ans, cela ne sera pas beau.

On peut se consoler en se disant que ce n’est pas pire pas mieux qu’ailleurs dans notre monde disloqué, chaotique, à la dérive. Mais ce n’est quand même pas très encourageant.

Cependant, on le sait, ce n’est pas seulement Legault, Trudeau ou Trump qui sont les seuls joueurs dans le « grand jeu ». Les confrontations, les luttes sociales et écologiques, ça se joue à deux. Le chaos actuel est prédominant, pas seulement parce que les gouvernants sont mal intentionnés, mais parce qu’il y a de la résistance partout. Et cette résistance, elle ne vient pas du ciel, elle est construite, pensée, organisée. En ce moment, c’est frappant d’observer des luttes immenses dans des pays où l’organisation populaire était très faible, comme en Algérie ou au Soudan. On peut même penser aux États-Unis, où les syndicats ont tellement perdu de la force, mais où un renouveau de la base est impulsé par les femmes, les jeunes et les Africains-Américains. Il y a dans plusieurs pays européens où les multitudes ne se croisent pas les bras. La semaine dernière au Brésil, des centaines de milliers d’étudiant-es sont sorties contre le fasciste Bolsonaro. Et j’en passe.

Au Québec en ce moment, et c’est aussi l’effet « printemps », il y a comme une pause. Du côté syndical, on peut cependant penser que les gens ne sont pas prêts à laisser tout passer. Il est encourageant d’entendre les centrales dire qu’elles vont mettre fin à leurs querelles et se mettre ensemble pour constituer un véritable front commun. Les écolos et les jeunes restent mobilisés en dépit des efforts de certains businessmen « verts » pour pacifier la révolte au nom d’accommodements et de petits « dialogues » avec Legault. Québec Solidaire en tout cas veut en faire son grand cheval de bataille, ce qui est une bonne idée, en autant qu’on ne laisse pas tomber les autres enjeux qui ont motivé 600 000 personnes le 1er octobre dernier…

Est-ce que tout cela va reprendre à l’automne avec les mobilisations importantes qui seront nécessaires pour faire échec à l’austéritarisme 2,0 qui nous attend ? On va en discuter à LGT et donc on s’en parlera la semaine prochaine.

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