Édition du 16 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet du 7 novembre

La ville, l’angle mort de la gauche

On sait depuis longtemps ce qui se passe à Laval et à Montréal en tout cas (j’imagine que c’est comme cela ailleurs). Tout le monde qui voulait savoir connaissait le système de corruption relativement « efficace » et organisé. On savait aussi que la racaille en question était profondément liée aux partis dominants sur la scène provinciale (notamment le Parti Libéral du Québec) et sur la scène fédérale (tant le Parti Libéral du Canada que le Parti Conservateur). Toutes les commissions et tous les pleurnichages, excuses, lamentations et accusations au monde n’ajouteront pas grand-chose à part de faire les manchettes et les bulletins de nouvelles.

C’est quoi le problème alors ?

Depuis longtemps, les mouvements sociaux et la gauche qui ont une influence considérable sur notre société (pensons au 15 % et + de votes pour QS à Montréal) ont déserté la scène municipale. Il y a eu quelques rares (et braves) exceptions, mais grosso modo, l’idée dominante était (et demeure) que les villes sont le monopole des petits maniganceux, des vendeurs de chars usagés comme disait mon grand père. On y voit des relais plus ou moins médiocres du PLQ, du PLC ou du PC qui sont souvent liés à toutes sortes d’« affaires ». C’est le « Team B » rempli de voraces et de menteurs dont la principale « qualité » est d’être connectée aux réseaux de pouvoir officiels ou opaques via les enveloppes brunes et les parties de golf.

C’est vrai, mais est-ce une raison de se tenir à l’écart ? Ne faudrait-il pas confronter cette triste réalité ? À cette question, on répond souvent par un autre registre plutôt cynique. Dans notre structure politique, les villes ont très peu de pouvoir à part celui de gérer les déchets et les tempêtes de neige. Leurs pouvoirs fiscaux sont très réduits. Ils sont totalement soumis à l’administration provinciale. Donc cela ne vaut pas la peine.

C’est vrai aussi, mais n’est-ce pas le rôle des mouvements de transformation de contester les structures et leurs modes de fonctionnement ? En tout cas, bien des mouvements de gauche en France et au Brésil, pour ne mentionner que ces deux cas, ont amorcé leur montée dans des espaces municipaux aux pouvoirs restreints qu’ils ont contestés tout en démontrant leurs capacités de gérer le bien public autrement. Est-ce qu’on vit sur une autre planète au Québec ?

Il y a aussi une autre explication. Au Québec, les progressistes en ont plein les bras avec la lutte à l’échelle du Québec où se conjuguent le social et le national. Comme il y a 24 heures dans une journée, il faut donc prioriser les lieux d’intervention. Encore là c’est valable, mais pas totalement. S’enraciner au niveau local ne peut pas nuire, au contraire. L’enracinement local pour faire en sorte que les projets de transformation sortent des cercles restreints, se rendent jusqu’aux gens. Un des rares intellectuels qui proposait cela était le regretté Gil Courtemanche.

Reste une autre raison : « on a essayé et ça n’a pas marché ». Effectivement, le RCM à Montréal, par exemple, avait été élu pour changer la ville. Après quelques années cependant, le leadership de Jean Doré a enterré cela laissant les progressistes dans les limbes. La débandade de ce parti (qui a fini par fusionner avec le projet de Gérard Tremblay !) a fait mal. Par la suite, des militants et des militantes ont tenté de mettre en place une alternative grâce aux Forums citoyens organisés à plusieurs reprises au début des années 2000, mais cela n’a pas débouché réellement.

Pour autant, faut-il abandonner pour autant ?

Actuellement, la droite la plus encrassée est à la défensive même si elle va tenter de se relooker avec des clowns comme Denis Coderre. Pour leur part, les péquistes qui ont déjà eu leur heure de gloire sont plutôt mal en point (Louise Harel ne passe pas). Il y a des initiatives contenant des dimensions progressistes (comme Projet Montréal), mais qui ne coalisent pas les forces de changement. Dire que le terrain est facile serait une grave erreur. Mais encore là, la gauche n’est pas justifiée de rester à l’écart.

Pourquoi ne pas discuter la question en profondeur dans les mouvements populaires, les syndicats et les groupes féministes ? Également dans les organisations étudiantes et écologistes ? Pourquoi pas à QS ? On n’a pas besoin que QS se mettre à créer des « clones » au niveau municipal, mais n’est-il pas approprié de dégager des perspectives sur la ville ? Est-ce qu’il n’y a pas de moyen de coaliser des forces progressistes pour agir à Montréal, à Québec et pourquoi pas à Laval ?!?

Essayons de mettre de côté une vision simpliste qui a dominé jusqu’à date et qui nous suggérait que la ville, c’est un enjeu qui ne nous concerne pas.

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