Édition du 16 avril 2024

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Canada

L’Accord de libre-échange Canada - Honduras

Les droits des investisseurs prennent le dessus

Des organisations de la société civile au Canada et au Québec s’inquiètent que l’Accord de libre-échange actuellement débattue à la Chambre des Communes ne mine encore davantage les droits de la personne et la démocratie au Honduras.

Des conflits exacerbés

Les discussions ont commencé quelques jours après l’entrée en poste de Juan Orlando Hernandez, qui a pris le pouvoir suite à des élections présidentielles fortement controversées au Honduras. En effet, la plupart des observateurs internationaux estiment que les résultats électoraux, entachés d’irrégularités et obtenus dans un contexte de violence, ne sont pas valides. La nouvelle législation proposée envoie le message que le Canada appuie les gouvernements illégitimes en autant qu’ils servent les intérêts de l’économie canadienne.

Cet accord commercial bilatéral a été conclu le 5 novembre 2013 dans la foulée des élections présidentielles, malgré une opposition généralisée et des éléments de preuves suggérant que l’accord attiserait les tensions sociales et les enjeux liés aux droits de la personne. Depuis le coup d’état militaire en 2009, où le président Manuel Zelaya, démocratiquement élu, a été renversé, la violence et la répression ont atteint des sommets sans précédent. Les défenseurs des droits de la personne et des droits des femmes, les membres de la communauté GLBT (les gais, lesbiennes, bisexuels et transsexuels), les Garifunas, les peuples autochtones, les dirigeants syndicaux, les agriculteurs et les journalistes ont été systématiquement menacés, voire tués.

Corruption de la police et militarisation de l’État

Au Honduras, la corruption de la police est endémique, et certains hauts gradés sont impliqués dans des activités criminelles. Sans conteste, l’impunité règle au sein du système judiciaire et des forces de l’ordre. Dernièrement, Constantino Zavala, le chef de police de la province de Lempira, située dans l’ouest du pays, a été suspendu suite à des allégations de trafic de stupéfiants.

Le président Hernandez a mis l’accent sur le retour de la sécurité militaire, notamment en faisant adopter la Law of Public Order Military Police (PMOP). Une nouvelle « taxe pour la sécurité », imposée aux grandes sociétés, a servi à financer cette nouvelle police militaire. Le gouvernement a ainsi récolté 24,5 millions de Lempiras ($1,2 millions). Les nouvelles unités militaires seront chargées de patrouiller les quartiers résidentiels, les nouveaux développements ou les lieux publics pour réprimer la criminalité. Les défenseurs des droits de la personne au Honduras croient plutôt assister au retour des escadrons de la mort qui ont assassiné femmes, jeunes et dissidents politiques au cours des années 1980.

Lors des élections présidentielles du 24 novembre 2013, de nombreux honduriens espéraient que le nouveau portrait politique mettrait fin au régime dominé par deux partis, et ce, pour le mieux. Cependant, il semble que l’élection contestable du président Hernandez ait, au contraire, envenimé la situation. Les observateurs étrangers et les mouvements locaux de défense des droits de la personne ont signalé des fraudes généralisées : achat de votes, irrégularités au registre des électeurs, vente de bulletins d’électeurs, intervention militaire, intimidation et même assassinats. Hernandez a néanmoins été déclaré vainqueur, ce qui a plongé le pays encore plus profondément dans la crise.

Le Canada attise le conflit social

Outre l’Accord de libre-échange, les investissements canadiens ont contribué à alimenter le conflit social, particulièrement dans les industries minières, touristiques et dans le secteur de l’exportation.

Le gouvernement du Canada a assuré l’assistance technique pour l’adoption de la General Mining and Hydrocarbons Law (janvier 2013). La nouvelle loi sur les mines a mis un terme au moratoire de 7 ans et imposé aux minières des redevances de 2 % en vue de financer les mesures de sécurité nationale. L’entente prévoyait également de nouveaux projets miniers, ce qui a ravivé les tensions sociales et nécessité une présence militaire accrue dans les communautés où sont situés les projets miniers. Selon le Honduras Documentation Center, 52 % des conflits émanent de la gestion des ressources naturelles. L’exemple le plus notoire est celui de la minière Goldcorp (Vancouver) qui gère une mine d’or et d’argent située dans la Vallée de Siria. Le projet minier est responsable de la contamination des eaux, de l’asséchement de cours d’eau et de l’apparition de sérieux problèmes de santé dans les communautés environnantes, problèmes dont on a pas encore relevé toute l’ampleur.

Dans le secteur des exportations de vêtements et de textiles, la compagnie Gildan Activewear (Montréal),dont les usines sont situées dans le nord-ouest du Honduras, a été pointée du doigt ; celle-ci serait responsable de nombreux accidents de travail survenus en raison de la longueur démesurée des quarts de travail et des objectifs de rendement trop élevés, et aurait congédié des travailleurs qui tentaient de mettre sur pied un syndicat. En dernier lieu, dans le secteur touristique, les investissements canadiens ont donné lieu au déplacement des communautés autochtones et afro-honduriennes sans égard à leur culture ou leurs droits ancestraux sur ces terres.

Le gouvernement canadien trompe la population en affirmant que cet accord de libre-échange permettra d’améliorer la situation au Honduras. En fait, il diminue énormément la capacité du gouvernement à légiférer en faveur du public et porte un dur coup aux droits des communautés, des personnes, du travail et de l’environnement. Pendant ce temps, les droits des investisseurs prennent le dessus : les sociétés pourront maintenant poursuivre le gouvernement si ce dernier prend des décisions qui vont à l’encontre de leurs intérêts. Les ententes parallèles en matière d’environnement et de droits du travail n’ont aucun mécanisme leur permettant de prendre force et effet. Ainsi, en privilégiant des intérêts économiques de quelques investisseurs privilégiés, cet accord de libre-échange ne peut que mener le Honduras vers une crise encore plus vive et un climat de violence accru.

Nous demandons au Parlement canadien de ne pas adopter cette loi en faveur d’un accord de libre-échange entre le Canada et le Honduras et au gouvernement Conservateur de revoir ses priorités avec le Honduras, en privilégiant d’abord et avant tout le bien-être des communautés, de la population et des travailleurs et travailleuses.

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Alternatives

Americas Policy Group (APG)

Atlantic Regional Solidarity Network (ARSN)

Breaking The Silence (BTS)

British Columbia Teachers’ Federation (BCTF)

Canadian Union of Public Employees (CUPE)

Climate Justice Saskatoon

Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL)

Common Frontiers

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Council of Canadians

Council of Canadians - Saskatoon Chapter

Council of Canadians - London Chapter

CUPE Ontario International Solidarity Committee

Latin American-Canadian Solidarity Association (LACASA)

Latin American and Caribbean Solidarity Network (LACSN)

Les AmiEs de la Terre de Québec

Mining Injustice Solidarity Network (MISN)

MiningWatch Canada

Public Service Alliance of Canada (PSAC)

Projet Accompagnement Solidarité Colombie (PASC)

Rights Action

SalvAide

Unifor

United Steelworkers (USW)

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