Édition du 23 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Mourir en silence en Afrique

La crise actuelle de l’épidémie de l’Ébola en Afrique n’est pas sortie d’un chapeau comme un lapin. Depuis longtemps, des signes avant-coureurs sont visibles. Les scientifiques pensaient bien que cela s’en venait, sans savoir exactement où et quand.

Les pays les plus affectés, le Sierra Leone, le Libéria, la Guinée et le Nigeria sont tous à des degrés divers disloqués par une succession de crises. Dans les années 1980, l’endettement a brisé leurs économies, sauf le Nigeria, « protégé » par ses exportations de pétrole. À l’époque, les pays du G7 et leurs experts de service du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale ont imposé les politiques dites d’ajustement structurel, ce qui voulait dire des coupes sombres dans les programmes de santé et d’éducation. Bien qu’insuffisamment pourvus dans le domaine, plusieurs pays africains avaient des infrastructures de base qui ont malheureusement été démolies au nom de l’austérité et du remboursement de la dette.

Quelques années plus tard, cette même région a sombré dans la guerre. Des conflits très violents, sur fonds de pauvreté et de misère, ont éclaté ici et là, alimentés par des interférences régionales et des ventes d’armes provenant des les marchands de la mort qui viennent des États-Unis et de la Russie. La conflictualité n’a cessé de s’étendre depuis, en Côte d’Ivoire, au Mali, au Niger et ailleurs. Aujourd’hui l’Afrique de l’ouest est une région sur le bord du gouffre.

Ce que les médias appellent la « communauté internationale (les pays du G7) se dit maintenant inquiète. Les pompiers-pyromanes veulent intervenir, à condition que cela ne coûte pas cher. Un exemple de cette criminelle indifférence est le Canada. Le Liberia et le Sierra Leone, qui avaient été longtemps des récipiendaires de l’aide canadienne, sont disparus de la liste des pays « prioritaires » du Ministère des affaires extérieures, commerce et développement, qui a récemment avalé l’Agence canadienne de développement international. Quelques misérables dollars avaient été consacrés l’an passé à un « fonds de stabilisation pour la paix », ce qui voulait dire renforcer les forces armées de ces pays (+ quelques miettes pour la santé et l’éducation). En août dernier lorsque l’ONU a sonné l’alarme, l’ambassadeur canadien Guillermo Ryschynski, est venu faire un tour. Cela faisait trois ans qu’il n’y avait pas mis les pieds (il représente le Canada dans d’autres pays). Quelques millions de dollars ont été promis par le gouvernement Harper, alors que l’ONU cherche désespérément plus d’un milliard de dollars absolument nécessaires pour seulement sauver des vies (cela coûtera énormément plus cher pour reconstruire les pays en question).

La principale préoccupation des G7 semble pour le moment d’éviter la propagation de l’épidémie, ce qui veut dire enfermer les pays affectés. Plusieurs pays ont déjà interdit les vols en provenance du Liberia et de Sierra Leone. Les frontières terrestres, plus difficiles à contrôler, sont de plus en plus des zones de détention et de contrôle. Dans les villes, les systèmes sont totalement débordés et les gouvernements ne savent pas quoi faire à part forcer les gens à rester chez eux.

Pendant ce temps, l’aide arrive au compte-goutte, une situation dénoncée par la présidente de MSF, la canadienne Joanne Liu.

L’épidémie actuelle d’Ebola, comme celle du SIDA qui a fait des millions de victimes en Afrique, n’est pas un simple accident médical, encore moins une catastrophe imprévisible. Elle s’aggrave d’heure en heure, se répand dans d’autres régions d’Afrique, affectant des millions de personnes. Il est maintenant bien tard, mais au moins, il faut sauver des vies. Qui a répondu à l’appel pour le moment ? Et bien, certains seront peut-être surpris, ce n’est ni le Canada ni la France qui bougent, mais Cuba, qui, encore une fois, sauve l’honneur de l’humanité en déployant plusieurs dizaines de médecins et de personnel médical, dans des conditions d’une terrible adversité.

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