Édition du 23 avril 2024

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Négociation dans les secteurs public et parapublic : Un premier groupe en grève le 30 mars et une manifestation unitaire le lendemain

Nous pouvons annoncer, à moins d’un dénouement de dernière minute, que la fin du mois de mars sonnera enfin la fin de ce long (de ce beaucoup trop long) Acte IV de la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic.

Dès qu’un premier groupe de salariéEs syndiquéEs se mettra en grève, c’est ce qui est en ce moment annoncé pour le 30 mars avec le secteur collégial affilié à la CSQ, la négociation entrera dans un nouveau moment. Nous passerons alors à un début de conflit ouvert. Ce sera le Ve acte. D’autres fédérations affiliées à la CSQ devraient annoncer, au cours des jours suivants, qu’elles exerceront elles aussi leurs journées de grève (à moins qu’un dénouement imprévisible se produise d’ici là entre le gouvernement et une ou des organisations syndicales sur les enjeux de la table centrale). Nous pouvons aussi envisager que d’autres organisations syndicales intensifieront, au cours des prochaines semaines, leurs moyens de pression.

Le présent contexte où domine le télétravail dans les cégeps ne devrait pas être un obstacle à un appel au respect des lignes de piquetage. La grande question est plutôt la suivante : comment le gouvernement Legault réagira-t-il devant cette première manifestation d’interruption de service ? Optera-t-il pour la voie de la pacification du conflit et de son dénouement par la voie de la négociation ou se laissera-t-il tenter par le recours à la répression ? Le déclenchement des hostilités ouvertes est déjà, quoi qu’on pense et quoi qu’on dise, le début du véritable processus de résolution des tensions entre les deux parties négociantes.

Le décret 007

La presse écrite nous a rappelé cette semaine que les personnels syndiqués du réseau hospitalier vivent, depuis un an, sous l’emprise du décret 007. En clair, ce sont des pans entiers de la convention collective qui sont présentement suspendus. Des employéEs à temps partiel doivent travailler à temps plein ; des professionnelLEs sont affectées à d’autres tâches qui n’ont aucun rapport avec leurs qualifications ; les vacances et les congés ne sont pas assurés, etc.. Pour les cadres du réseau hospitalier, ce décret 007 leur donne la possibilité de gérer leur personnel syndiqué avec le minimum de contraintes. Pour les salariéEs syndiquéEs, le décret 007 correspond à un régime de relations de travail infernal où elles et ils deviennent une main-d’œuvre malléable et corvéable selon les desiderata des potentats de leur boîte locale. Une fois la pandémie derrière nous, que fera le gouvernement de la CAQ de ce décret ? L’abolira-t-il ou invitera-t-il les employeurs à maintenir en place certaines pratiques abusives de gestion du personnel ?

Il est très important que la présente ronde de négociation aboutisse le plus tôt possible. Il ne suffit pas de convenir d’ententes de principes. Il faut les mettre en vigueur à la satisfaction du personnel qui est déjà amplement surchargé.

Budget et rémunération des hauts dirigeants d’investissement Québec

Il y aura cette semaine la présentation du Budget 2021-2022 à l’Assemblée nationale. Quand le ministre Girard fera la lecture de ce document palpitant, jeudi le 25 mars, rappelez-vous que si le Québec se tire malgré tout assez bien d’affaire au niveau des finances publiques c’est principalement en raison du fait que les salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic sont sous-rémunéréEs. C’est qui permet à l’État d’offrir autant de services à la population à un si faible coût. C’est ce qui permet également au gouvernement Legault de donner à quelques happy few une rémunération supérieure à ce qui est versé dans le secteur financier. Le jupon de François Legault dépasse tellement ici que la décision de son Conseil des ministres de hausser la rémunération des hauts dirigeants d’Investissement Québec suscite de l’opposition chez l’éditorialiste du quotidien Le Devoir (Jean-Robert Sansfaçon) et des universitaires spécialisés dans la gouvernance. Les députés Carlos Leitao (PLQ) et Vincent Marisal (QS) ont également interpellé à l’Assemblée nationale le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon à ce sujet. Rien ne permet de justifier de doubler le salaire des hauts dirigeants d’Investissement Québec. Rien, sinon que cette maladive obsession de vouloir gouverner le Québec à travers des principes directement importés des entreprises privées capitalistes.

5% d’augmentation salariale, pour un contrat de travail de trois ans, pour les 560 000 salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic, qui sont à 75% des femmes, c’est beaucoup trop peu. Surtout quand on scrute dans le détail comment a évolué la structure salariale dans les secteurs public et parapublic au Québec depuis 1982. La faible progression salariale dans les secteurs public et parapublic est un facteur qui n’est pas pris en considération par les analystes des finances publiques. Ces personnes interviewées, une fois par année, préfèrent dire que le gouvernement du Québec n’a pas les moyens d’offrir plus à ses salariéEs syndiquéEs. Ces spécialistes de la finance ne dénoncent pas le détournement des milliards de dollars dans le Fonds des générations. Cet argent qui s’accumule dans un fonds spéculatif devrait plutôt servir à financer correctement le coût des services offerts à la population.

Acte V et partis politiques de l’opposition

En prévision de cet Acte V qui va bientôt se déployer sous nos yeux dans la négociation des secteurs public et parapublic, il nous semble qu’il est temps que les partis politiques de l’opposition à l’Assemblée nationale se mettent à exercer enfin de véritables pressions sur le gouvernement Legault et qu’ils nous dévoilent très clairement quelle est, selon eux, la marge de manœuvre dont dispose le gouvernement. Autrement dit, à combien devraient s’élever les augmentations de salaire des 560 000 salariées syndiquées des secteurs public et parapublic pour les prochaines années selon le PLQ, QS et le PQ ? Il est temps également que les éditorialistes prennent à leur tour position là-dessus.

Conclusion : Grève et poursuite des échanges

On nous annonce des manifestations unitaires simultanées à Montréal et à Québec pour le 31 mars. Nous y reviendrons la semaine prochaine.

Entre temps nous savons que la présente négociation se déroule en l’absence d’un Front commun. Nous tentons de vérifier s’il y a des pourparlers derrière des portes closes autour de l’enjeu de la rémunération. Rien, à ce jour, n’a été confirmé à ce sujet. Connaissant le gouvernement de la CAQ et son affection pour la culture du secret et pour ces situations où il peut régner en divisant ses vis-à-vis syndicaux, se pourrait-il qu’il y ait des échanges « secrets » avec au moins une organisation syndicale sur l’enjeu salarial ? Nous ne faisons que poser la question…

Yvan Perrier

21 mars 2021

17h30

yvan_perrier@hotmail.com

P.S.

Nous avons reçu un courriel portant à notre connaissance l’échange suivant entre le député Vincent Marissal et la présidente du Conseil du trésor, madame Sonia Lebel :

Intervention du député Vincent Marissal le 18 mars 2021 :

« M. Marissal : Négociations, secteur public, vous avez vu comme moi que ça commence à chauffer un peu, je le dis de façon… d’une façon journalistique, là. Il y a des manifestations. Il y a des moyens de pression qui sont votés. Les instances syndicales se mobilisent. Vous en êtes où ? Parce que, ce qu’on nous dit, c’est que ça ne négocie pas, ça n’avance pas et s’en va vers quelque chose comme une impasse. Vous en êtes où ? C’est quoi, votre échéancier ?

Mme LeBel : Bon. Je vais quand même, avec beaucoup de respect…. bon, un échéancier… mon échéancier, c’est de régler, avec les gens, une entente négociée. Donc, c’est très difficile de se mettre un échéancier. Naturellement, j’aimerais régler le plus rapidement possible. Je pense que c’est le cas, de toute façon, des organisations syndicales quand on dit qu’on souhaite s’entendre, mais qu’on souhaite s’entendre le plus rapidement possible. Donc, c’est difficile pour moi de vous donner un échéancier comme tel.

Maintenant, je pense que je peux quand même vous dire qu’il y a du mouvement aux tables de négociation. J’ai invité… Il n’y a pas si longtemps que ça, j’ai parlé avec les responsables des deux syndicats principaux en matière d’éducation, entre autres, la fédération des enseignants du Québec, la FAE, et la FSE-CSQ — je ne veux pas les mélanger. Je les ai invités à faire une négociation accélérée. D’ailleurs, vous aviez vu dans les journaux que les fédérations patronales avaient souligné le fait qu’ils étaient tassés. Ils ne sont pas tassés des négociations, mais effectivement, nous avons réduit les interlocuteurs autour de la table pour avoir une discussion beaucoup plus agile dans l’objectif de régler le plus rapidement possible. Alors, il y a du mouvement. Ça ne va peut-être pas assez vite au goût de tout le monde. Ça ne va pas assez vite à mon goût, dans les faits objectifs…

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la ministre.

Mme LeBel : …mais on y travaille puis on est au rendez-vous.  »

http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/42-1/journal-debats/20210318/293073.html

À la suite de la réception de ce courriel nous avons envoyé le message suivant aux attachéEs politiques du PLQ, de QS et du PQ :

« Je vais couvrir les silences et les interventions des députéEs de l’opposition au sujet de la négociation dans les secteurs public et parapublic d’ici la conclusion de celle-ci. Je compte relayer, dans mes prochains articles, les interventions des députéEs de votre formation politique dans la mesure où elles seront portées à ma connaissance. »

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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