Édition du 19 mars 2024

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Canada

Des représailles contre la Chine sont exactement ce dont le monde n'a pas besoin

On pourrait me dire timide, mais cela me semble une mauvaise idée de semer délibérément le trouble contre un pays doté d’armes nucléaires. Il est donc inquiétant d’entendre le cliquetis des sabres des Canadien.ne.s qui tentent de pousser Ottawa à prendre des mesures punitives contre la Chine pour sa détention de deux Canadiens du nom de Michael.

Toronto Star le 20 0ctobre 2021

La Chine est un pays autoritaire et répressif et ses longues détentions de Michael Kovrig et Michael Spavor étaient cruelles et injustifiées. C’est merveilleux que ces deux hommes soient enfin libres.

Mais l’animosité suscitée contre la Chine est imprudente et dangereuse. Elle semble vouloir soutenir les efforts des administrations Trump et Biden pour isoler la Chine et repousser sa puissance économique et technologique croissante, avec le défi que cela pose à l’hégémonie américaine.

Ces bruissements qui nous poussent vers une nouvelle guerre froide - bien qu’utiles pour l’industrie militaire américaine désireuse de nous convaincre que Washington fait face à une menace militaire montante de la part de la Chine - sont exactement ce dont le monde n’a pas besoin maintenant.

La menace mondiale la plus urgente aujourd’hui est le changement climatique. Il nous reste au maximum dix ans pour que les pays commencent sérieusement à recréer un monde sans combustibles fossiles. Et cela nécessite une coopération - en particulier avec la Chine, le pays qui est le plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde - et non pas de l’hostilité, des guerres commerciales, ou une nouvelle course aux armements.

Pourtant des Canadien.ne.s éminent.e.s, dont des diplomates, des universitaires et l’Institut droitier Macdonald-Laurier (MLI) à Ottawa, ont multiplié les appels à des mesures plus sévères contre le gouvernement chinois. Dans un article publié le mois dernier sur le site Web du MLI, Howard Anglin, ancien conseiller principal du Premier ministre Stephen Harper, a fait valoir que, maintenant que les Michaels sont libérés, il est temps de « recompter » avec la Chine. Il a appelé à des « représailles » contre ce « régime maléfique ».

Et il poursuit : « Des représailles contre le régime communiste chinois auraient un prix. Pas de question. Mais … quel que soit le prix à payer pour faire face au régime chinois maintenant, il ne fera que croître plus il est retardé. »

Quel genre de discours imprudent et fanfaron !

En plus d’être imprudent, c’est aussi injustifié – puisqu’il ne tient pas compte du rôle qu’a joué le Canada en provoquant la détention des Michaels. La crise a commencé avec l’assignation à résidence très inhabituelle et provocatrice au Canada de la dirigeante d’entreprise chinoise Meng Wanzhou, directrice financière du géant de la haute technologie Huawei.

Le Canada n’avait aucune raison, ni aucun intérêt, à détenir Meng. Mais Ottawa l’a arrêtée et détenue pour extradition sur la base d’une accusation de fraude farfelue pendant plus de deux ans, cela à la demande des États-Unis.

L’accusation de fraude semblait être du harcèlement de la part des États-Unis de Huawei, qui est en concurrence féroce avec les géants de la technologie américains pour le contrôle du marché nord-américain des télécommunications. Washington a également placé Huawei sur une liste noire d’exportation, lui refusant l’accès à des technologies clé.

En accusant Meng, les États-Unis agissaient bien au-delà de leur juridiction dans « une portée impériale » excessive à son pire, selon John Price, professeur émérite d’histoire à l’Université de Victoria.

En outre, la « fraude » de Meng, commise au nom de Huawei, était une tentative de contourner les sanctions de l’administration Trump contre l’Iran - sanctions promulguées au mépris du traité nucléaire signé entre l’Iran et l’administration Obama et approuvé par le Conseil de sécurité de l’ONU, le Conseil de sécurité de l’ONU, et l’UE, dans l’espoir de réduire le risque de guerre nucléaire.

Compte tenu de l’accusation douteuse portée contre Meng par les États-Unis – visant à appliquer les sanctions capricieuses de Trump et à harceler un concurrent de la domination technologique américaine – Ottawa aurait dû refuser de coopérer avec la demande d’extradition des États-Unis. Cela aurait été tout à fait dans le cadre de nos droits légaux en vertu de la Loi sur l’extradition du Canada, selon Gary Botting, avocat spécialisé dans l’extradition.

Mais au lieu de cela, le gouvernement Trudeau a capitulé. Et il a tenté de déguiser sa soumission à Washington en citant le respect de « l’État de droit » – cela en choisissant d’ignorer le mépris beaucoup plus grave de l’« État de droit » de la part des États-Unis en exigeant que Meng applique les sanctions américaines illégales contre l’Iran.

C’était la soumission lâche et sans scrupules du Canada à la demande d’extradition des États-Unis qui a placé Meng en résidence surveillée à Vancouver – et qui a incité la Chine à riposter en emprisonnant les deux Michaels.

Demander des « règlements de compte » et à des « représailles » contre une superpuissance dotée de l’arme nucléaire est insensé et provocateur — cela surtout lorsque nous avons jeté la première pierre.

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