Édition du 16 avril 2024

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« Donne moi ton hostie de permis ! » : bienvenue dans l’univers autoritaire du SPVM

« Donne-moi ton hostie de permis ! », « Ce n’est pas à moi que tu dois parler… ne fais rien de stupide ! », voilà comment, entouré de quatre voitures de police, je me suis fait interpeller ce matin du 12 mars 2020 sur le boulevard Crémazie Est.

Visiblement enragée par le fait que j’argumente sur le motif de mon arrestation, une agente de la « paix » n’a pas hésité une seconde à ouvrir la porte de mon auto et à tordre mon poignet pour éteindre la voiture et me forcer à lui donner son permis de conduire. Quelques minutes plus tard, ma collègue de travail Marie-Ève et moi trouverons la clé de ma voiture sur le capot, et ma montre détachée sous l’effet de la brutalité policière sur le tapis avant de ma voiture. De quoi étais-je coupable ?

Selon l’agente de paix : « d’avoir immobilisé un véhicule routier là où la signalisation interdit l’arrêt. ». C’est le terme « d’immobilisation » qui me paraissait contestable, car je roulais très, très lentement à côté du métro Crémazie dans l’attende de voir venir ma collègue Marie-Ève, avec laquelle je covoiture. J’ai donc fait valoir à l’agente de la « paix » que mon attitude ne relevait pas d’une immobilisation dans le sens précis de ce terme. Visiblement contrariée, mon argumentation a réveillé les tripes de l’agente : yeux écarquillés, face rouge de colère, imbue de son autorité qu’elle jugeait incontestable, d’un ton qui rappelle celui des officiers des régimes autoritaires, elle me cria à la face : « Donne-moi ton hostie de permis ! ». Devant cette attitude condescendante et autoritaire, j’ai osé en lieu et place de remettre mon permis la questionner tranquillement sur les raisons de son comportement, si celui-ci ne contrevenait pas à la déontologie policière.

Mais c’était déjà une question de trop de la part du « stupide » que j’étais, selon les propos du second agent venu en renfort. Tout à coup, je me fais encercler par quatre patrouilles de police. Ma personne devenait l’objet d’un spectacle humiliant et indécent en cette matinée d’hiver. À ma collègue qui voulait rassurer les policiers que je ne représentais pas un danger, un des agents aurait répondu qu’eux autres ne savaient pas à qui ils ont affaire : l’ignorance de ma personne justifiait donc cette violence insensée suscitée par mon attitude argumentative. L’argumentation devant un agent de la SPVM serait-elle devenue criminelle au point de tordre le poignet d’un citoyen et de le traiter de stupide ? Comment expliquer que des questions légitimes de la part d’un citoyen aient été considérées comme un comportement déviant et un signe d’un manque de collaboration ? Jusqu’où faut-il collaborer avec une agente de paix qui abuse fièrement de son autorité ? Notre institution policière souffrirait-elle d’un autoritarisme létal et corrosif ?

Pour la personne noire que je suis, je sais ce que je pourrais représenter aux yeux de certains policiers nourris de préjugés immondes. Mais pour autant, je ne qualifierai pas la violence verbale et physique des agents de raciste. Du moins, je ne peux présumer de leur intention à l’égard de cette peau noire qui a osé seulement contester la notion d’immobilisation. En m’inspirant de ceux qui ont pénétré les profondeurs humaines, Freud, Nietzsche, mais surtout l’incomparable Dostoïevski, je dirai surtout que l’absurdité de la violence est peut-être ce qui définit mieux les humains. Or, les multiples abus enregistrés au nom de certains agents de la SPVM montrent que le corps policier, obnubilé par la question de l’ordre et de l’autorité, n’a pas conscience que c’est souvent au nom du bien que le pire a été commis. Ainsi, je demanderai, non pas en tant que noir, mais comme citoyen, que la SPVM prennent les moyens nécessaires afin que le désir de faire respecter l’ordre et la loi ne se traduise pas en des pratiques autoritaires qui avilissent à la fois les agents de police et leurs victimes.

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