Édition du 12 mars 2024

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Canada

Face à la crise climatique, Justin Trudeau est irresponsable et manipulateur

Le 19 novembre dernier, le gouvernement Trudeau déposait le projet de C-12 [1] visant l’atteinte de la carboneutralité pour 2050. La carboneutralité c’est une posture. 120 pays en ont déjà accepté le principe. Même le plan Legault, plus que verdâtre, parle de cet objectif.

Ce projet de loi promet de nouvelles cibles pour 2030, plus ambitieuses que celles qui existent déjà, mais ne les fixe pas. Aucune nouvelle cible n’est même proposée pour 2025 au grand dam des groupes environnementalistes. Le projet de loi affirme que des cibles devront être fixées tous les cinq ans de 2030 à 2045 pour juger périodiquement l’évolution des émissions de gaz à effet de serre.

Il ne propose aucun plan d’action précis pour parvenir à ces éventuelles cibles de réduction de GES. Depuis 2015, après cinq ans au pouvoir, le gouvernement du Parti libéral du Canada n’a encore élaboré aucun plan concret. Et c’est bien pourquoi le Canada n’a jamais respecté une seule cible climatique au fil des ans. Pire, le Canada a connu une hausse des émissions de GES entre 2016 et 2018.

Depuis qu’il a pris le pouvoir, le gouvernement de Justin Trudeau a toujours favorisé la croissance des énergies fossiles. « En 2017, le chantre canadien du climat, Justin Trudeau, a déclaré devant un rassemblement de dirigeants du pétrole et du gaz à Houston qu’aucun pays qui trouverait 173 milliards de barils de pétrole ne les laisserait sous terre [Applaudissements]. Nous allons développer cette ressource. Notre job est d’assurer que ce soit fait de manière responsable, sécurisée et durable » [2] Et pourtant l’industrie des énergies fossiles produit plus de GES qu’il y a 30 ans alors que la quasi-totalité de la croissance est imputable aux sables bitumineux qui ont connu une augmentation de 456% depuis 1990. [3]

Et malgré ces réalités incontournables, le gouvernement n’a pas arrêté d’appuyer le secteur des hydrocarbures. Il a acheté le projet d’expansion du pipeline Transmountain, il a appuyé le projet de gaz naturel liquéfié LNG. Son gouvernement a multiplié les déréglementations qui vont à l’encontre de la protection de l’environnement. Il a fourni près de 500 millions $ à Coastal GasLink pour aider à financer son gazoduc. Il a permis que les forages en mer au large de Terre-Neuve soient exemptés d’une évaluation environnementale fédérale. Le gouvernement Trudeau s’était félicité de la position de Donald Trump qui avait accordé un permis de construction en territoire américain du pipeline Keystone XL qui va permettre de transporter 30 millions de barils de pétrole annuellement de l’Alberta au Texas. Aujourd’hui le gouvernement Trudeau a bon espoir de convaincre le président Biden de revenir sur le refus du gouvernement Obama de construire ce pipeline. L’ambassadrice canadienne aux États-Unis, Kirsten Hillman a même soutenu que le gouvernement Trudeau pourrait convaincre le président Biden de revenir sur la décision d’interdire la construction de ce pipeline en argumentant que l’industrie pétrolière avait beaucoup œuvré pour réduire son empreinte environnementale. [4]

En fait, la politique de Trudeau peut bien prétendre être sensible aux changements climatiques et affirmer qu’il être prêt à tenir compte des recommandations du GIEC. Il n’en est rien. Il se contente de faire l’étalage de bonnes intentions, mais il ne fait rien pour parvenir à réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre au Canada. Il retarde la décarbonisation de l’économie.

Le gouvernement Trudeau et le négationnisme implicatoire

Le gouvernement Trudeau ne reprend pas à son compte le négationnisme littéral de Maxime Bernier du Parti populaire du Canada qui prétend que la crise climatique n’existe pas. Il refuse même le négationnisme interprétatif des chefs conservateurs Andrew Sheer ou Erin O’Toole ou Jason Kenny de l’Alberta qui acceptent l’existence de la crise climatique, mais ces derniers en sous-estiment l’importance. Le premier ministre Trudeau lui est bien prêt à reconnaître la gravité de la crise climatique, mais cette reconnaissance n’entraîne aucune réaction à la mesure des problèmes. L’obligation d’intervenir dans l’urgence par des moyens radicaux est tout simplement écartée et remplacée par un greenwashing visant à réduire le fossé psychique et moral entre ce que l’on sait et ce que l’on fait. Et c’est là le mode de fonctionnement psychologique non seulement de Trudeau, mais de l’ensemble de la gouvernance capitaliste. Car, au fond de leur aveuglement, c’est le refus d’accepter la réalité capitaliste de la crise climatique. [5] C’est le refus d’accepter la nécessité d’en finir avec l’exploitation des énergies fossiles et avec un système qui détériore la source de toute richesse, la nature et les êtres humains.

Depuis des décennies maintenant, la classe dominante et des gouvernements à leur service ont fait la démonstration de leur volonté de refuser de prendre au sérieux l’urgence de la lutte aux changements climatiques. Cette réalité doit nous conduire à enfin rompre avec toute position attentiste à leur égard.

C’est pourquoi un véritable plan de lutte aux changements climatiques et de transition économique et énergétique devrait à la fois être un plan d’action visant la mobilisation populaire la plus large et la plus déterminée contre les initiatives capitalistes qui détruisent l’environnement et un plan de lutte pour un gouvernement populaire qui rompt tout lien avec la classe dominante.


[1Loi concernant la transparence et la responsabilité du Canada dans le cadre de ses efforts pour atteindre la carboneutralité en 2050

[2Zetkin collective Le fascisme fossile. Éditions, La Fabrique, 2020, pages 289-296

[3La loi climatique proposée par le gouvernement Trudeau manque de substance, disent des experts, Alexandre Shields, Le Devoir, 20 novembre 2020

[4Le gouvernement Trudeau soutient Keystone XL, Joël-Denis Bellavance, La Presse+, 25 novembre 2020

[5Zetkin collective Fascisme fossile, Éditions La Fabrique, pages 293-300

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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