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Grève des travailleurs et des travailleuses de John Deere après le rejet massif du projet de contrat négocié par la direction syndicale

Peu avant minuit mercredi dernier, les travailleurs et les travailleuses d’une usine de John Deere à Waterloo, Iowa, se sont mis.e.s à fermer l’usine, en commençant par les fours de la fonderie. L’usine était déjà presque vide - Deere ayant dit aux travailleurs et aux travailleuses du quart de nuit de rester chez eux et elles.

17 octobre 2021 | tiré de Labor Notes | traduction David Mandel

Trois jours plus tôt, les membres du syndicat du syndicat United Auto Workers dans l’Iowa, l’Illinois et le Kansas avaient voté à une écrasante majorité pour le rejet d’un projet de contrat qui aurait accordé des augmentations en-dessous de l’inflation et qui aurait éliminé des pensions de retraite pour les nouvelles embauches.

Ces rejets ont surpris à la fois la direction syndicale et l’employeur : même certain.e.s des travailleurs et des travailleuses qui avaient voté contre le projet et en faveur d’une grève étaient surpris.es. Les 10 000 travailleurs et travailleuses qui ont débrayé font la première grève à Deere depuis 35 ans. « Je viens de confirmer que Waterloo a ses pancartes de piquetage », a déclaré un travailleur avant le début de la grève. « La merde est sur le point de devenir réelle. »

Elles et ils rejoignent 2 000 travailleuses et travailleurs d’hôpital en grève à Buffalo, New York ; 1,400 ouvrières et ouvriers de production chez Kellogg’s dans quatre États ; 450 métallurgistes à Huntington en Virginie-Occidentale ; et une journée de grève de 2 000 travailleurs et travailleuses des télécommunictions en Californie - tous et toutes depuis le 1er octobre.

Un millier de mineurs de charbon de l’Alabama, 700 infirmières dans le Massachusetts, 400 fabricant.e.s de whisky au Kentucky, et 200 chauffeur.e.s de bus à Reno, Nevada, étaient déjà en grève. Cela en plus des grèves récemment réglées de 2,000 charpentiers et charpentières à Washington, 600 travailleurs et travailleuses de Frito-Lay au Kansas, et 1 000 travailleurs et travailleuses de l’usine Nabisco dans cinq usines à travers le pays.

Et il y a des dizaines de milliers de travailleurs et de travailleuses qui attendent leur tour, avec 37 000 travailleurs et travailleuses de la santé chez Kaiser en Oregon, en Californie et à Hawaï, qui ont autorisé une grève, ou qui sont sur le point de le faire, ainsi que plusieurs grands syndicats de travailleurs et de travailleuses d’université, également prêt.e.s à débrayer. Plus de 60 000 travailleurs et travailleuses du cinéma et de la télévision étaient prêt.e.s à sortir en grève : 90% des membres de l’Alliance internationale des employé.e.s de la scène théâtrale ont voté à 98 pour cent en faveur d’une grève, avant qu’un contrat provisoire ne soit conclu samedi. Les membres de l’IATSE voteront sur l’opportunité de ratifier ce contrat cette semaine.

Cette vague de grèves n’est pas celle des années 1940, quand un.e travailleur ou travailleuse sur dix s’est mis.e en grève en l’espace d’un an. Mais ce n’est pas non plus l’accalmie des années 2010, lorsque l’activité grévistes du secteur privé était près de zéro. Aujourd’hui, les travailleurs et les travailleuses sont de plus en plus militant.e.s, peu disposé.e.s à accepter de mauvaises conditions. Mais elles et ils ne sont pas particulièrement organisé.e.s. Avec une densité syndicale au plus bas historique, les syndicats jouent un rôle d’inspiration, mais ils ne sont pas la seule source de l’action. Ce que nous voyons maintenant, c’est que l’activité de grève recommence à monter après un creux de plusieurs décennies alors que le travailleur, la travailleuse « essentiel.le » – une nouvelle catégorie née de la pandémie – exige au patron.ne.s de respecter cette désignation.

Ce ne sont pas seulement les travailleurs et les travailleuses qui prennent note du changement de pouvoir potentiel. Les analystes de Wall Street ont également tiré la sonnette d’alarme cette semaine par rapport au cours des actions de John Deere. Un analyste a abaissé ses projections de 25%. Dans une section de son rapport exclusif, intitulée « Le pendule du pouvoir a basculé », l’analyste écrit : « Les membres du syndicat, en plus de vouloir des concessions de Deere concernant une nouvelle convention collective de six ans, lient possiblement ces négociations à leur désir de changer la façon dont les dirigeant.e.s nationaux et nationales des United Autoworkers sont élu.e.s et au militantisme national (peut-être mondial) croissant des travailleurs et des travailleuses. Car elles et ils prennent conscience de leur pouvoir croissant dans un marché du travail tendu. »

Le propriétaire d’une petite entreprise qui ne peut pas attirer de travailleurs, travailleuses a été l’un des protagonistes préférés des médias de l’ère « Build Back Better », en partie pour couvrir les PDG des Fortune-100, comme John C. May de John Deere, qui profitent du même marché du travail à bas salaire. Mais ce marché du travail tendu, un problème du point de vue des employeur.e.s, a son image miroir dans les yeux des travailleurs et travailleuses qui n’ont jamais quitté leur emploi – les travailleurs et les travailleuses « essentiel.le.s » et « de première ligne », les « héros ».

Sur les lieux de travail, les travailleurs et les travailleuses de toutes les industries - du transport aux soins de santé et en passant par la logistique et la fabrication d’aliments – souffrent d’un manque de personnel, ce qui entraîne des heures supplémentaires forcées et un épuisement professionnel. Dans les abattoirs, les maisons de retraite et d’innombrables autres chantiers, Covid-19 a ajouté une nouvelle intensité au paysage existant des risques professionnels : en 2020, la profession d’infirmière, infirmier auxiliaire est devenue la plus dangereuse des E-U. Les mêmes forces qui rendent le travail intolérable pour tant de personnes – pas assez de travailleurs, de travailleuses et trop de travail – préparent simultanément les travailleurs et les travailleuses à riposter.

Les travailleuses et les travailleurs souffrent aussi de l’inflation du panier de consommation de l’année dernière. L’offre d’augmentation de 1% faite par Kaiser (en plus de l’introduction d’un salaire réduit de 26% pour les nouvelles embauches) signifie une baisse de salaire réel de 5%. L’augmentation de 15 cents de l’heure que les ouvriers et les ouvrières de la construction de la Fraternité internationale des ouvriers de l’électricité reçoivent à Orlando en Floride ne parvient pas à suivre la hausse du coût de la vie. La proposition de Kellogg comprend une réduction de l’ajustement à l’inflation, autrefois un élément central de la négociation collective dans les industries de base, mais qui n’est jamais revenu pour les travailleurs et les travailleuses des Trois grands de l’automobile après la crise financière de 2008 et les faillites.

Au cœur des grèves à Deere, à Kellogg’s et à Kaiser est une révolte contre l’introduction au cours des années 1980 de contrats « à deux niveaux », qui offrent des conditions inférieures aux nouveaux et nouvelles recru.e.s. Comme l’a déclaré Trevor Bidelman, dirigeant de la grève de Kellogg, « L’avenir n’est pas à vendre. »

Dans le cas de John Deere, les travailleurs et les travailleuses sont bien conscient.e.s des profits records de l’entreprise. Elles et ils ne sont pas ému.e.s par ce qui équivaut à une augmentation de salaire de $1 l’heure pour la plupart d’entre eux et elles. Les membres se sont longtemps organisé.e.s indépendamment en groupe Facebook appelé « Post ’97 ». Cela signifie les employé.e.s embauché.e.s après 1997, qui ont des salaires, des avantages sociaux, et des pensions de retraites inférieurs à ceux des travailleurs et des travailleuses plus ancien.ne.s.

Pour la plupart des travailleurs et travailleuse d’« après 1997 » le contrat actuel serait une augmentation de 6 cents par rapport à ce que les travailleurs et les travailleuses d’« avant 97 » gagnaient il y a dix ans. La proposition de l’entreprise de réduire les retraites de toutes les nouvelles embauches se heurte à une opposition morale qui s’aligne sur un nouveau terrain de jeu économique. Il pousse de nombreux travailleurs, nombreuses travailleuses à embrasser comme revendication fondamentale de la grève qu’« il n’y aura pas de troisième niveau ! »

Un marché du travail tendu signifie également un effet de levier pour les travailleurs et les travailleuses. Sachant qu’ils et elles sont plus difficiles à remplacer, les travailleurs individuels, travailleuses individuelles sont plus susceptibles de dire « non » aux patrons : aujourd’hui, les travailleurs et les travailleuses quittent leur emploi au taux le plus élevé depuis des décennies. C’est l’une des mesures les plus précises de leur pouvoir sur le marché du travail en tant qu’individus.

Lorsque les travailleurs et les travailleuses sont organisé.e.s collectivement en syndicats, les marchés du travail tendus conduisent à une volonté croissante de confronter les employeur.e.s sur les conditions d’emploi, au lieu de simplement chercher un meilleur emploi ailleurs. En d’autres termes, les mêmes forces qui rendent le travail intolérable pour tant de personnes – pas assez de travailleurs, de travailleuses et trop de travail – préparent simultanément les travailleurs et les travailleuses à riposter.

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