Édition du 23 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Interdire Che Guevara

Il était prévu et prévisible que le gouvernement (néo)conservateur utilise les incidents de la semaine passée pour en remettre avec son projet de criminalisation. Dans à peu près tous les domaines, Harper entend punir, surveiller et contrôler tout ce qui peut l’être. En ciblant les plus vulnérables (immigrant-es, réfugié-es), c’est toute la société qu’on intimide. On ajoute aussi des « criminels » qui osent protester contre des politiques inacceptables, notamment les Autochtones, les étudiant-es, les contestataires du G8. Ce virage est en train de créer un État autoritaire qui nous fera revenir en arrière au temps de Duplessis quand les méchants « communisss », sans compter les témoins de Jéhovah, les Juifs et autres étrangetés, étaient mis hors la loi.

Dans le débat actuel, le gouvernement et ses intellectuels de service accusent des citoyens canadiens de se mettre au service du « terrorisme ». Le « terrorisme » a le dos rond, cela veut dire n’importe quoi. Des jeunes révoltés par la répression sanguinaire en Syrie, en Palestine, en Irak, en Afghanistan, en Somalie, sont des suppôts du « terrorisme ». Je ne parle pas ici des illuminés qui veulent commettre des attentats ici (des cas qui relèvent davantage de la psychiatrie que de la police, comme l’ont souligné plusieurs analystes), mais de ceux qui veulent aider la libération de leur peuple.

Si le gouvernement canadien n’aime pas cela, ce n’est pas parce que ce sont de futurs « terroristes » qui vont aller avec l’État islamique. C’est qu’on s’oppose à des alliés, à des « amis » de l’État canadien, qui sont armés et soutenus par lui. Je pense notamment aux gouvernements de l’Irak et de l’Afghanistan, sans compter l’État israélien. Le gouvernement canadien dit aussi que ceux qui se battent contre des dictatures en Arabie saoudite, en Égypte, au Yémen, en Colombie et ailleurs où les G7 ont décidé de s’investir, sont également des « terroristes » qu’il faut punir et contrôler. Il feint d’ignorer les atroces violations de droits qui se déroulent dans ces pays au nom d’un « ordre » totalement illégitime.

En soi c’est inacceptable.

Mais il y a plus encore. En effet, où va s’arrêter cette chasse aux « terroristes » ? Il y a quelques années, des jeunes et des jeunes de cœur partaient vers des pays et des mouvements en lutte contre l’impérialisme. C’est ainsi qu’on est allés à Cuba, au Nicaragua, au Salvador au Mozambique, en Angola, en Palestine, en Afrique du Sud (c’était mon cas). Certes, on n’était pas là pour porter des armes, mais on côtoyait, on vivait même avec des mouvements qui avaient pris ce chemin parce qu’ils n’avaient pas le choix. Des régimes sanguinaires en effet, pour la plupart soutenus par les États-Unis et ses alliés subalternes, tuaient, torturaient, emprisonnaient des tas de gens « coupables » d’avoir dit non. Le choix de la résistance armée n’était jamais facile et toujours risqué, mais il était légitime. Qui a dit cela ? Nelson Mandela, le héros de la paix dans le monde.

Et nous à l’autre bout du monde, on avait le devoir d’appuyer ces mouvements sans être nécessairement d’accord avec tout ce qu’ils disaient et faisaient.

Vous voyez où je veux en venir.

En criminalisant des jeunes qu’on dit « terroristes » ou « djihadistes », ce n’est pas principalement le « terrorisme » qui est en jeu. Aujourd’hui, on peut surveiller les mosquées et les madames qui portent le hijab, ce que proposent d’ailleurs des intellectuels de service qui veulent « défendre la civilisation » (Christian Rioux du Devoir pour le pas le nommer).

Mais demain, pourquoi pas ? on pourra nous interdire de porter un T-shirt de Che Guevara. Ou les couleurs de la Palestine. Ou le drapeau des Warriors. On pourra espionner des coalitions contre la guerre (le SCRS le fait déjà probablement).

Est-ce comme cela qu’on empêchera les actions armées au Canada ? Franchement j’ai des doutes.

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