Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Canada

Les élections fédérales

Le refus ouvert ou masqué de s’attaquer aux fondements de la crise climatique

Les débats des chefs auront permis de comprendre qu’au-delà des postures différenciées, les deux principaux partis sur la scène fédérale qui ont des chances de prendre le pouvoir, n’ont aucune intention de prendre au sérieux l’urgence de la lutte aux changements climatiques. Ils se contentent de discours grandiloquents sur la nécessité de la transition et de la carboneutralité alors que les bilans de leur parti démontrent qu’ils se sont faits complices des responsables de la crise climatique.

Le gouvernement Trudeau irresponsable et manipulateur

Le bilan du gouvernement de Justin Trudeau en matière de changements climatiques est éloquent du grand écart entre ses promesses et la réalité de ses politiques concrètes. Il a augmenté les subventions aux énergies fossiles alors qu’il avait promis de les arrêter. Il a distribué aux industriels fossiles 10,7 milliards en moyenne chaque année. [1]. Il a acheté pour 4,5 milliards de dollars l’oléoduc Transmoutain et pourrait investir jusqu’à 17 milliards de dollars dans les travaux d’élargissement de cet oléoduc. Il a autorisé 40 forages exploratoires en mer à l’est de Terre-Neuve tout en les dispensant de toute évaluation environnementale. Et il a osé prétendre au cours du débat que ces autorisations se sont faites avec une grande rigueur du point de vue de l’environnement. Il prétend plafonner la production des énergies fossiles et faire rapidement diminuer la production du pétrole et du gaz alors qu’il contribue à mettre en place des infrastructures dont la durée de vie va s’étendre sur des décennies et vont permettre d’en augmenter la production et le commerce. Pas étonnant que son gouvernement ait raté tous ses objectifs en termes de réduction des émissions de GES qui continue à crotte à un niveau supérieur à tous les autres pays du G7.

Le Parti conservateur d’Erin O’Toole, un mince vernis de rhétorique climatique qui ne masque en rien la défense de l’État pétrolier canadien

Le Parti conservateur du Canada est porteur d’un désastreux héritage en matière de lutte aux changements climatiques. Le gouvernement Harper a retiré le Canada du protocole de Kyoto en 2011. Il a révisé les modes d’évaluations environnementales dans le but de faciliter la mise en œuvre de projets pétroliers et gaziers. Il a coupé dans les fonds de recherche scientifique sur la question climatique. Il a interdit aux expert-e-s gouvernementaux de s’exprimer sur le sujet de la crise climatique… Il a fixé des cibles de réduction des émissions de GES si basses que le Canada s’est mérité à plusieurs reprises le prix de « dinosaure » à ce sujet.

Le Parti conservateur d’Erin O’Toole est à l’écoute des grandes entreprises pétrolières et gazières. Plusieurs de ses député-e-s ont manifesté des positions climatosceptiques. Et ces derniers ne sont pas des marginaux dans le Parti conservateur du Canada. Un récent congrès du parti a rejeté à 54% contre 46% une proposition sur la reconnaissance de la responsabilité humaine sur les changements climatiques et la nécessité de s’y attaquer.

Le virage vert d’Erin O’Toole à tout de l’écran fumé. Il peut bien prétendre avoir pour objectif la réduction des émissions de gaz à effet de serre, cela n’empêche nullement le chef de ce parti de soutenir ouvertement l’expansion de la production du pétrole et du gaz par la construction de nouveaux pipelines, par le soutien à la création d’un corridor énergétique canadien pour favoriser l’exportation des énergies fossiles sur le marché international, de proposer une filière hydrogène, filière qui est la fausse piste par excellence dans la lutte aux changements climatiques.(Nous y reviendrons). Le chef du PCC se contente des mêmes cibles que le premier ministre Harper sur la réduction des émissions des gaz à effet de serre. C’est tout dire.

Ces partis dominants sont des partis soumis par mille liens aux grandes entreprises du capital fossile. Aujourd’hui, face aux évidences,qu’ils doivent bien reconnaître, de la réalité des changements climatiques, ils refusent de s’attaquer réellement aux grandes entreprises capitalistes de ce secteur. Les seules perspectives qu’ils proposent à ce niveau c’est de faire de la lutte aux changements climatiques un occasion de faire des affaires et d’ouvrir de nouveaux champs d’investissements. La perspective d’une économie capitaliste verte reste engoncer dans les pires travers de la logique capitaliste : production de masse, consommation de masse, épuisement des ressources naturelles… La logique de la croissance verte domine sur toute la ligne pour ces partis du grand capital, mais la croissance verte ne les empêche nullement de soutenir le maintien du capitalisme fossile. .

Les pressions sur les gouvernements ne feront que nourrir les mensonges, les postures et le faux semblant ou pourquoi dialoguer pour changer le monde est une fausse piste

Les discours des petits pas dans la bonne direction tiennent de la bêtise quand on connaît la proximité des échéances qui nous séparent des ruptures historiques graves [2]

Si vous voulons réduire de façon la plus rapide possible les émissions de GES et empêcher le réchauffement du climat, il faut clairement identifier les fondements capitalistes de cette crise, viser les groupes qui ont intérêt à refuser de bouger. Il faut stigmatiser le capitalisme fossile et ses alliés. Quand le chef de la CAQ, François Legault, laisse entendre qu’il faudrait soutenir le Parti conservateur aux prochaines élections, il faut comprendre qu’il se moque totalement de la lutte aux changements climatiques malgré ses prétentions. Le PLC n’offre pas d’ailleurs, en définitive, de meilleures perspectives.

Une stratégie de lutte aux changements climatiques, à l’effondrement de la biodiversité et à la généralisation de la pollution ne peut écarter l’analyse des fondements systémiques (capitalistes) de la crise climatique. Seule une telle analyse nous permet de préciser les obstacles qui seront rencontrés, les adversaires irréductibles que nous devrons affronter, les alliances que nous devrons nouer et les solutions à avancer pour être à la hauteur de l’enjeu d’une transition véritable.

L’urgence climatique pose la nécessité de confronter la classe dominante et ses partis politiques

Le pouvoir politique est lié au pouvoir économique. Les capitalistes – conglomérats, fonds d’investissements et de retraite. grandes entreprises pétrolières ou d’exploitation des ressources naturelles - ont le pouvoir de décider des investissements qui leur sont profitables au mépris des écosystèmes des territoires exploités et des populations qui y vivent. La majorité populaire doit se convaincre qu’elle doit reprendre en mains les leviers qui lui permettraient de diminuer les émissions de GES en se donnant le pouvoir d’agir sur les décisions économiques et les conséquences environnementales qui en découlent. Elle ne peut se contenter des seules pressions sur les décideurs liés à la classe dominante qui ont comme mission de protéger les possibilités de la classe entrepreneuriale de poursuivre sa course effrénée et prédatrice aux profits.

Seule une démocratie économique où la majorité populaire pourrait faire les choix essentiels sur les productions (types, quantités, techniques) et les formes de la consommation essentielles permettra l’élaboration démocratique d’un plan de transition. Mais pour s’orienter vers cette véritable démocratie économique, on ne peut écarter la question des rapports de propriété des moyens de production. Seule la nationalisation/socialisation du capital financier, des grandes entreprises stratégiques, des ressources naturelles peut assurer les bases de cette démocratie économique.

C’est dans la mesure où les initiatives de luttes se seront multipliées sur différents axes et qu’un tissu d’organisations environnementales sur ces enjeux aura été créé dans la population qu’une alternative politique pourra s’imposer, gagner un soutien majoritaire et sera capable d’adopter des lois exprimant cette volonté de défendre notre environnement et de faire face à la crise climatique. La lutte pour la transition écologique et économique ne passera donc pas à côté de la lutte de classe visant la mise en place de nouvelles formes de production, de nouveaux types de consommation, d’une réelle redistribution de la richesse et la reconnaissance de communs.

La lutte aux changements climatiques va nécessiter le blocage de toutes les initiatives visant à développer l’utilisation des énergies fossiles et la dénonciation des partis politiques qui soutiennent de façon ouverte ou masquée le capital fossile. La mobilisation politique visant à remplacer les gouvernements néolibéraux par des gouvernements de la majorité laborieuse sera aussi nécessaire pour en finir avec les tergiversations et les atermoiements des partis politiques dominants


[1Un bilan sous le signe de l’« incohérence », Jean-Thomas Léveillé, La Presse, 16 août 2021

[2Alain Denault, Un climat hostile, Le Devoir, 7 septembre 2021

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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