Édition du 23 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet du 25 septembre

Comment l’élite canadienne entend passer à l’offensive

Depuis l’élection du 4 septembre, une grande partie des médias canadiens est sur le pied de guerre. Le Globe and Mail (le porte-parole de l’élite), le National Post (droite conservatrice) et même les médias « libéraux » (comme le Toronto Star) préviennent l’opinion des menaces imminentes que cette élection porte contre la « démocratie canadienne ».

Les médias-poubelles, dont le réseau Quebecor au Canada anglais et d’autres publications comme le Huffington Post sont moins polis et reproduisent à des degrés divers deux idées principales :

 Le PQ et le mouvement souverainiste sont l’équivalent, sous une version à peine plus soft, des Nazis. Par ailleurs, Charest est un voleur et Legault est un imbécile. Le « peuple » québécois (qu’on met avec des guillemets) est une grosse gang de bougons, chialeux, corrompus et paresseux.

 Le gouvernement péquiste est hostile à toute forme de développement économique et de revenu. La province est ruinée, irrémédiablement condamnée à la pauvreté et au chômage. Les maîtres du jeu sont les syndicats, les étudiants et les mouvements « extrémistes ».

Le message est que le gouvernement Harper ne doit surtout pas céder au « chantage ». On ne peut rien négocier avec le Québec (quelque soit le gouvernement d’ailleurs). « Une chance » disent-ils, le PQ est faible et donc, il faut le confronter et éventuellement, l’anéantir. Si vous ne me croyez pas, faites-vous souffrir en parcourant le Globe and Mail ou le National Post. Si vous êtes un peu maso, lisez le Toronto Sun ou le Ottawa Sun (propriétés de notre ami PKP). Il y a entre les lignes des textes de véritables appels au meurtre, politiquement parlant. Cela annonce, je crois, ce qui s’en vient dans les prochains mois.

L’élite anglo-canadienne estime que cette agressivité est nécessaire pour préparer le combat politique qui s’annonce, d’autant plus central qu’il se fera sur deux « terrains » simultanés, contre la « menace séparatiste » d’une part, contre la résistance aux politiques ultra néolibérales en vigueur sous l’égide d’Harper d’autre part. Il faut donc gagner une double bataille. Dans les prochaines semaines, l’agression se manifestera par des menaces économiques, notamment le chantage à la fermeture d’entreprises et de sièges sociaux. À un certain niveau, les dominants espèrent que le PQ capitule, comme il l’a fait dans le passé (on se souvient d’un certain Lucien Bouchard). À un autre niveau, les dominants ne veulent même plus d’un PQ capitulationniste. L’idée circule de plus en plus qu’il faut en finir, « une fois pour toutes ». Il est très important de réunir les conditions pour passer à cette étape, ce qui implique de constituer une solide alliance au Canada anglais incluant les partis d’opposition (cela sera relativement facile avec le PLC, moins avec le NPD), mais aussi les institutions, les médias, les mouvements sociaux, etc.

Par ailleurs, les dominants vont surveiller la conduite des partis de droite en qui présentement ils n’ont pas très confiance. Néanmoins, ils espèrent que le PLQ pourra remonter la pente. Si l’impact des révélations de la Commission Charbonneau s’avère moins dramatique que plus, ils vont faire pression sur François Legault et la CAQ pour qu’ils se rapprochent d’un PLQ « relooké ». Cette unification de la droite, espèrent-ils, pourrait assurer la victoire comme cela a été le cas avec le take-over d’Harper sur l’ancien Parti progressiste-conservateur. Mon ami Gordon Lefebvre pense que cette « unification » pourrait être facilitée en sortant Lulu du placard. Le « sauveur de la nation » deviendrait le « sauveur de la droite » et du capitalisme sauvage. Ce n’est pas impensable. Les dominants canadiens savent qu’ils ont l’appui à peu près unanime des diverses factions de Québec inc. Le rêve de Parizeau d’en rallier une partie est enterré. Leur ambition est de se positionner dans le cadre du capitalisme canadien et nord-américain. Leur cauchemar est d’être coincés dans une lutte pour la souveraineté qui impliquerait une large coalition populaire. Une fois le dos au mur, ils n’auront aucun problème à se ranger même si certains vont trouver cela dur d’avoir l’air des collabos.

Les « optimistes » parmi les dominants pensent donc que le jeu est encore possible. Cela serait également une excellente occasion de faire passer les dures politiques d’austérité qui ont déjà commencé et qui vont s’aggraver avec le rebond de la crise. Les cyniques (comme Barbara Amiel, l’épouse de Conrad Black) estiment qu’il est « trop tard » et qu’il faut dépecer le Québec comme « Israël l’a fait avec les Palestiniens ». Certes, la crise est encore à une étape embryonnaire. La cage va être brassée …

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