Édition du 30 avril 2024

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Texte écrit en collaboration avec Robert Deschambault

Tel que prévue, la ronde des manifestations syndicales et populaires est bien amorcée en cette fin d’hiver plutôt terrible. Peu importe les moins 25 degrés, on est dans la rue, plus souvent qu’autrement. Quitte à avoir la tuque bien accrochée.

Quelques faits sont à signaler. Comme cela ne s’est pas produit depuis quelques années, Ça ne vient pas seulement de la direction, mais aussi de la base, notamment dans les syndicats.

La colère est palpable, et sur plusieurs choses en même temps : les chamboulements de postes, la perte de pouvoir d’achat qui s’en viennent et ici et là, la hausse de la charge de travail, la transformation des gens en machines à produire, comme si on était tous sur des chaînes de montages. Il y aussi des mesures qui sont de véritables insultes pour les gens. Comme par exemple l’annonce de la suppression imminente de la « prime d’éloignement » qui permettait aux travailleurs et aux travailleuses des régions de faire face aux réalités des régions, là où tout coûte plus cher. Il y a plusieurs milliers de personnes, si cette mesure est confirmée, qui vont perdre plusieurs milliers de dollars par année.

Autre trait singulier relié à celui dont on vient de parler, c’est en régions que ça se passe. En réalité, les conséquences de l’absurde politique d’austérité seront de loin pires en région. Des hausses de coûts, des pertes de revenus, la terminaison de programmes gouvernementaux peuvent créer de véritables catastrophes, car il n’y a pas de filet de sécurité. On le sait, on le sent, des milliers de personnes vont devoir prendre le chemin de l’exil. Quand Conseil du patronat dit « bravo, il faut vider les régions », cela confirme aux yeux des gens le sens des politiques de Couillard et de ses acolytes. Dans les prochaines semaines, il est prévisible que le cœur de la mobilisation soit sur la Côte-Nord, dans le Saguenay, dans le Bas-Saint-Laurent, l’Abitibi notamment.

Relié à cette avancée est le fait que les organisations syndicales et populaires en région sont « tricotées serrées ». Elles ont souvent une influence importante sur les municipalités, les commissions scolaires, les caisses populaires. Ce sont souvent les mêmes personnes qu’on retrouve dans les corps intermédiaires, les exécutifs des syndicats et ailleurs. On comprend alors que les élus municipaux montent au front, « Ne touche pas à ma région ». Ce réseautage par ailleurs effraie passablement le gouvernement, car la députation provient en bonne partie des régions. Certains députés plus malins que les idéologues autour de Couillard se demandent alors, « qui va voter pour nous ?

Une fois dit cela, il serait présomptueux de dire que tout va bien. Il y a des milieux révoltés, il y en a d’autres qui le sont moins. La convergence entre les syndicats et d’autres secteurs populaires n’est pas au niveau ou elle devrait l`être. Les médias à chaque jour font leur travail de sape, surtout les réseaux Quebecor et Gesca (Power Corporation) : « le Québec vit au-dessus de ses moyens », « il faut couper dans le gras », les profs sont des fainéants », etc. C’est la même histoire chantée plusieurs fois par heure et de dire que cela n’a pas d’impact serait rêver en couleurs. Parallèlement, on crie sur tous les toits que la menace « islamiste » est rendue à nos portes. « Ne vous inquiétez pas de perdre vos droits sociaux, il y a un djihadiste caché dans votre centre d’achat qui va vous faire la peau »…

Aussi devant cela, il ne faut pas avoir d’illusion. Il n’y a pas de raccourci, de « quick fix » si vous nous passez l’expression. La seule solution est de persévérer dans l’action et l’éducation populaire. Les coups d’éclat, ça sert parfois, mais pas trop. On ne peut pas soutenir une grève, même en milieu étudiant, en vidant les gens sans les convaincre. C’est l’ASSE qui a démontré cela avec éclat en 2012. Les « avant-gardes » qui se croient plus révolutionnaires parce qu’ils sont masquées et qu’ils intimident, s’illusionnent. Pire que cela, Couillard espère que des « actions d’éclat » vont déraper et faire basculer l’opinion, comme il l’a laissé sous-entendre en fin de semaine à Gatineau. Un peu plus, il allait dire que les manifestants étaient affiliés à Al-Qaida. On pourrait voir dans les prochains jours une escalade de répression, surtout si le mouvement populaire n’est pas assez stratégique.

Par chance, la grande majorité des gens sont plus futés et ils vont continuer d’une manière bien pensée et bien structurée le travail de la mobilisation, qui vaut 1000 fois plus cher que des appels rituels et idéalistes à la « grève générale illimitée ». Parlant de grève générale illimitée, ce n’est pas une mauvaise idée. Ça dépend comment, avec qui et quand. On peut y arriver, si on agit de manière résolue et systématique. Quand le mouvement aura atteint un momentum qui évitera l’isolement des secteurs plus avancés et déterminés, nous serons alors dans une phase de la lutte qui permettra à tous les camarades d’y participer à cette grève générale.

La machine de propagande et d’endoctrinement est passablement efficace et notre combat est un marathon, pas un sprint, on ne le dira pas assez….

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