Édition du 26 mars 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Le pétro-pays, Stephen et Pauline

Le Canada dans l’imaginaire de Stephen Harper et des élites canadiennes a toutes les « qualités » requises pour devenir une sorte de superpuissance énergétique. Avec la force des institutions financières canadiennes qui régulent de Toronto l’insertion du Canada dans le merveilleux monde de la « globalisation », ce secteur du pétrole et du gaz, très relié par ailleurs au secteur minier, devrait être la « marque de commerce » et la « niche » du capitalisme canadien des prochaines décennies. C’est donc un projet stratégique, et pas seulement un petit bricolage.

Le pétrole le plus sale au monde

Selon une étude récente d’Ian Angus, un expert sur la question lié aux groupes environnementaux de la région d’Ottawa, le projet de Harper exige des transformations importantes (voir son texte dans les Nouveaux Cahiers du socialisme, numéro 9, février 2013). Pour le moment, le Canada est le cinquième plus gros producteur d’énergie du monde. Il occupe le troisième rang pour la production de gaz, le septième pour le pétrole, et le premier pour l’hydroélectricité et l’uranium. Mais le point faible est que la production canadienne de pétrole conventionnel décline. Par contre, les réserves de pétrole contenu dans les sables bitumineux sont immenses et font en sorte que le Canada détient les plus grandes quantités de pétrole exploitable au monde après l’Arabie saoudite. Par ailleurs ce pétrole est enclavé en plein centre du Canada, ce qui implique qu’il faut absolument construire des infrastructures permettant de le faire sortir au plus bas prix possible.

Étouffer le débat

Depuis quelques temps, le débat a levé sur l’impact de ce virage. On s’interroge de plus en plus sur les conséquences environnementales bien sûr, puisque la production d’un baril de pétrole brut à partir des sables bitumineux émet jusqu’à trois fois plus de gaz à effet de serre par baril que ce qui est le cas avec le pétrole brut classique. Pour le gouvernement conservateur, il est très important d’accélérer le temps d’approbation et de réduire l’examen public des projets potentiellement dommageables. Il faut aussi éliminer les programmes gouvernementaux susceptibles d’interférer avec l’expansion rapide de l’extraction énergétique et de l’exportation. Lors du Forum économique mondial de Davos, Harper a promis que les projets énergétiques et miniers ne seraient plus soumis à des délais réglementaires « inutiles ». En juin dernier, la loi C-38 a renforcé les capacités du gouvernement à aller dans ce sens.

La course aux pipelines

On comprend alors pour Harper qu’il est stratégique d’obtenir les autorisations américaines quant à la construction du méga projet de pipelines dit de Keystone. C’est la même chose avec le projet Northern Gateway, qui permettra de transporter le pétrole des sables bitumineux vers l’océan Pacifique. Avec l’appui des entreprises pétrolières et minières, le gouvernement conservateur mène la bataille pour faire passer ces projets malgré l’opposition de nombreux groupes que Harper cherche à déstabiliser par ailleurs. Entretemps, l’entreprise de Calgary TransCanada cherche à construire un nouvel oléoduc qui acheminera 1,1 million de barils de pétrole « lourd » par jour (ce pétrole viendra essentiellement de l’Alberta) vers le Québec. Entre-temps, Québec a apporté sa caution au projet de la pétrolière Enbridge qui veut inverser les flux de pétrole pour les rediriger vers Montréal. Si tous ces projets étaient réalisés, on aurait effectivement l’armature rêvée par Harper pour faire du Canada un pétro-pays et cela serait l’arrêt de mort, selon Patrick Bonin de Greenpeace, de la lutte contre les changements climatiques (Cité par le Devoir du 5 mars).

Convergence inavouable : Stephen et Pauline

Entre-temps, Pauline Marois fait des pieds et des mains pour faciliter l’insertion du Québec dans ce projet. Elle se dit globalement favorable aux projets de pipelines, avec son « amie » Alison Redford, la Première ministre de l’Alberta. On pourrait ajouter à cela l’intérêt manifesté par le gouvernement du PQ à l’exploration pétrolière à l’Ile d’Anticosti alors que, lorsqu’il était dans l’opposition, le PQ dénonçait à qui mieux-mieux l’influence d’une industrie somme toute bien peu importante dans l’économie québécoise et responsable en grande partie du fait que le Canada fait bande à part dans le monde en tant que grand responsable des émissions de gaz à effet de serre. Les députés péquistes Scott McKay et Daniel Breton, anciens écolos reconvertis dans la promotion des projets pétroliers, doivent ravaler leur salive. En effectuant ce tournant, non seulement le PQ accepte de renoncer à ses engagements précédents, mais il donne un sérieux coup de main à Stephen Harper.

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