Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

Un gouvernement de banquiers, d'entrepreneur-e-s et de gestionnaires

Le gouvernement de la CAQ est un gouvernement de banquiers, d’entrepreneurs et de gestionnaires. Ces derniers occupent les postes stratégiques au ministère des Finances (Éric Girard) , au ministère de l’Économie et de l’Innovation (Pierre Fitzgibbon) et au Conseil du Trésor (Christian Dubé). La logique de François Legault est claire. L’autorité politique doit être détenue par une minorité de riches et d’experts. Ces derniers ont intériorisé les idées des milieux financiers et sont là pour défendre les intérêts des grandes banques et des grandes entreprises. Le monde des affaires, la bureaucratie d’État et les professionnelles de la politique vont avoir le haut du pavé. La classe d’affaires sera bien servie. Déjà, le premier ministre promet une baisse d’impôt pour les plus riches et pour les entreprises, tout cela au nom du renforcement de la défense de la compétitivité. Ces priorités sont économiques et elles s’articulent autour de l’aide à l’exportation et des moyens d’attirer des investissements étrangers.

Les travailleurs, les travailleuses et les employé-e-s qui forment la classe populaire, soit la vaste majorité de la population, n’est même pas présente dans la députation de la CAQ ni donc au gouvernement. Les organisations syndicales reçoivent déjà des avertissements. La CAQ a déjà rejeté la hausse du salaire minimum à 15$ de l’heure et le gouvernement Legault a assuré le patronat qu’il poursuivra sur cette ligne.

François Legault a promis durant la campagne électorale de s’attaquer au gaspillage et de couper 5000 postes dans la fonction publique. Le ministre Éric Girard nous dit que cela se fera dans les quatre prochaines années. Le premier ministre affirme maintenant qu’il ne reculera pas devant les groupes de pression (les syndicats) ou devant les secousses (les mobilisations- ?). Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge promet la mise en place d’un ordre professionnel des enseignant-e-s. Il aura le moyen de contourner les syndicats pour imposer des mesures disciplinaires contre les enseignant-e-s. Dans son livre, « Et si on réinventait l’école ? Chronique d’un prof idéaliste », il n’hésite pas à faire des écoles privées le modèle par excellence de l’efficience scolaire.

Legault affirme s’être ouvert aux problèmes causés par le réchauffement climatique suite à la dernière campagne électorale. Mais, s’il se range dans le camp de Trudeau sur l’environnement, soit l’utilisation des mécanismes du marché dans la lutte aux changements climatiques, il n’a pas encore écarté l’exploitation des ressources pétrolières et gazières au Québec.

Un nationalisme régressif d’un gouvernement édenté

Le gouvernement Legault est un gouvernement fédéraliste à connotation nationaliste. Ce nationalisme est identitaire et régressif. Il a pour fonction de donner à la CAQ un profil différent de celui du PLQ, qui était celui d’un gouvernement inconditionnel des politiques fédérales. Le gouvernement caquiste cherche à démarquer son offre politique de celle du PLQ en se distinguant au niveau de certaines valeurs et en réaffirmant son amour du Québec. François Legault affirme vouloir réformer le fédéralisme canadien et il prétend que cela n’exige que détermination et leadership. Pourtant, sa volonté de discréditer l’objectif de l’indépendance du Québec et de présenter la souveraineté du peuple québécois comme une lubie sans importance démontre bien la servilité du personnage.

Alors que le gouvernement Trudeau se montre centralisateur et intransigeant avec les revendications du Québec, le fédéralisme de la CAQ va révéler clairement l’incapacité d’aller chercher la moindre concession du fédéral. Sans la moindre perspective de rupture avec les politiques de l’État canadien, le gouvernement s’avérera désormais impuissant face aux politiques anti-québécoises d’Ottawa.

Une laïcité identitaire et diviseuse

Le premier geste posé par ce gouvernement a été d’envoyer Simon Jolin-Barrette (ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion) annoncer qu’il introduirait rapidement un projet de loi interdisant le port de signes religieux par les personnes en autorité y compris les enseignant-e-s.

Cette démarche d’invisibilisation des minorités religieuses n’assure en rien la séparation des églises et de l’État. Au Québec, cette dernière est réaliseé pour une bonne part. La présence de signes religieux comme le crucifix à l’Assemblée nationale ou dans les Palais de justice sont les vestiges d’une époque pour une bonne part révolue. Il faut retirer les signes et rites religieux des institutions publiques. Mais le gouvernement de la CAQ par sa ministre de la Justice, Sonial Lebel, annonce que les crucifix resteront en place.

Pourquoi donc, une telle hâte d’interdire les signes des minorités religieuses, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Encore, une fois, Legault y voit la possibilité de consolider une base électorale qui a été construite, en autres, autour des thèmes identitaires durant la campagne électorale.

Une politique d’immigration au service des entreprises

Et cela devient vraiment clair alors qu’on peut constater que ce même ministre se voit confier le mandat de planifier la réduction du nombre des personnes immigrantes qui doit passer de 52 000 à 40 000 et d’élaborer les tests de connaissances concernant les valeurs québécoises et la maîtrise de la langue française. Non seulement les minorités doivent se rendre invisibles (et la loi proposée sur les signes religieux est un premier pas dans ce sens), mais elles doivent assimiler les valeurs québécoises, et les tests des valeurs et de français pourront nous permettre de nous en assurer.

François Legault cherche à présenter son intention de réduire le seuil d’immigration comme un choix rationnel pour ajuster les ressources disponibles aux problèmes liés à une immigration réussie. L’immigration doit être limitée et réduite à la seule immigration choisie selon les besoins de main-d’oeuvre des entreprises. Legault dit se méfiant de l’immigration liée au regroupement familial. Et il’est montrée hostile à l’arrivée de réfugié-e-s haïtiens tout particulièrement.

Toutes ses positions démontrent les fondements politiques de la réduction de l’immigration et des tests de connaissance du français et ralliement aux « valeurs québécoises ». Ces politiques cherchent à profiter (tout en les nourrissant) des courants d’opinion qui existent dans la population et qui tentent de présenter une partie des nouveaux arrivants ou différentes communautés ethnoculturelles comme un danger pour la nation, comme un éventuel ennemi de l’intérieur, qu’il faudrait contrôler et surveiller. Au nom de discours alarmistes, ce test des valeurs exige un ralliement culturel de la « minorité musulmane », en autres, afin qu’elle se purge des croyances qui seraient porteuses de régressions sociales.

Une politique migratoire ne doit pas être réduite à la façon de satisfaire aux intérêts des grandes entreprises en main-d’oeuvre choisie sur mesure pour combler les besoins de main-d’oeuvre. Elle ne peut rester opposée aux besoins de l’écrasante majorité des personnes qui doivent migrer.

Il faut sortir de cette vision utilitariste et mettre en place une politique migratoire qui se définirait prioritairement à partir du respect des droits humains fondamentaux et des besoins des populations. Le principe de l’égalité des droits implique la défense d’une série de droit : droit à la libre circulation, droit de s’installer durablement, le droit de travailler et la reconnaissance de ses compétences, le droit de recevoir un salaire égal, le droit d’acquérir la nationalité, le droit de vivre en famille, le droit à la citoyenneté, le droit à la sécurité sociale. La reconnaissance de ces droits ne pourrait que renforcer l’unité de la majorité populaire contrairement à ce que veulent faire croire les discours des élites économiques et politiques qui visent à fragmenter la majorité populaire.

L’agenda néolibéral de la CAQ n’a pas fini de se manifester. Que ce soit dans la lutte aux changements climatiques ou dans la lutte au « gaspillage dans la fonction publique », on peut s’attendre à la mise en place d’un gouvernement entrepreneurial qui demande aux travailleurs et aux travailleuses de faire plus avec moins. Ce gouvernement n’hésitera pas à privatiser les services publics, à diminuer les impôts des entreprises et à légitimer la concentration de la richesse dans les mains d’un petit nombre. Cette oligarchie néolibérale osera prétendre que son enrichissement est la condition du bien-être de la majorité. Des combats essentiels sont devant nous. Il ne faut pas en douter et se préparer, ensemble, à défaire ce gouvernement de banquiers, de patrons et de gestionnaires.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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