Édition du 23 avril 2024

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Le blogue de Donald Cuccioletta : La Gauche américaine en 2020 : Stratégies et perspectives

En pleine pandémie la classe ouvrière mène des luttes pour se syndiquer

Tandis que la pandémie a fait des ravages aux États-Unis et qu’avec son bilan de plus de 900 000 morts en lien avec la COVID, le pays était en plus mauvaise posture que tous les pays riches et même deux fois pire qu’un pays pauvre comme l’Inde, sa classe ouvrière est déterminée à continuer la lutte pour se syndiquer.

En effet, il faut d’abord se rappeler de la grève des travaillaeurs.es de l’entrepôt d’AMAZON en Alabama pour se syndiquer qui avait fait la une des manchettes à travers les 50 états au début de 2020. Même si cette lutte s’est terminée par un échec, le courage et la ténacité démontrés par ces travailleurs et travailleuses se sont propagés et ce cas est devenu un exemple à suivre en matière de lutte pour se syndiquer. Ainsi les travailleurs et travailleuses de l’empire Starbucks, reconnu pour son antisyndicalisme, ont repris le flambeau du combat pour la syndicalisation dans la ville de Buffalo. Dans cette ville, majoritairement peuplée de cols bleus, les travailleurs et travailleuses ont voté en décembre 2021 pour devenir le premier syndicat de l’empire Starbucks aux États-Unis. Cette victoire a entraîné des luttes pour la reconnaissance syndicale dans plus de 55 Starbucks et a aussi inspiré d’autres chaînes de café à mener la lutte.

Ces luttes pour la syndicalisation ont ouvertement été soutenues par des leaders de la gauche socialiste dont Kshama Sawant, la conseillère de la ville de Seattle réputée pour sa victoire au conseil de ville en ce qui a trait au salaire minium à 15 dollars/heure et pour avoir tenu tête notamment à Google et Amazon. Le fait que l’empire Starbucks ait été fondé à Seattle a sans doute inspiré Mme Sawant à lancer l’idée d’intensifier la lutte pour la syndicalisation à travers le pays. Pour convaincre les travailleurs et les travailleuses que la lutte est possible, il faut être avec eux dans la lutte. C’est certainement guidée par ce principe que Madame Sawant a présenté une résolution afin que le conseil de ville prenne officiellement position pour soutenir la syndicalisation du Starbucks à Seattle. Sa position semble avoir secoué les progressistes et la gauche dormante.

Le conseiller de la ville de Chicago Byron Sigcho-Lopez ainsi que Robin Womsley Worlobad, conseiller de la ville de Minneapolis, tous deux socialistes et membres des DSA ont déposé des résolutions pour appuyer la syndicalisation des Starbucks à Chicago et à Minneapolis. Les deux ont aussi lancé un appel aux autres élus socialistes et progressistes pour les enjoindre à déposer eux aussi des résolutions dans leurs villes respectives afin de syndiquer les Starbucks. Le mouvement populaire « Starbucks Workers United » a suscité une vaste mobilisation à travers le pays. À partir de de son fonds de solidarité créé par ces électeurs et électrices, Mme Sawant a contribué dix mille dollars pour soutenir cette organisation.

Pour sa part, l’empire Starbucks n’a de toute évidence pas économisé les moyens visant à briser ce mouvement de syndicalisation. Plusieurs de ses tactiques ont été empruntées au plan de match d’AMAZON pour saper le mouvement syndical en Alabama. D’ailleurs, se montrant solidaire de Starbucks, Amazon a lancé un message à ses travailleuses et travailleurs les avisant qu’elle ne lâcherait pas prise et casserait tout syndicat qui tenterait de s’installer dans les murs d’Amazon ou de Starbucks. Cet épisode nous a permis de voir comment la bourgeoisie s’unit et met en place des tactiques et stratégies similaires pour détruire toute tentative de défense collective des droits de la classe ouvrière. Les attaques antisyndicales de Starbucks et d’Amazon sont très comparables à celles que le patronat avait fait subir aux travailleurs et travailleuses à la fin du 19 e siècle et durant la grande crise des années trente aux États-Unis.

Quoi qu’il en soit, il faut retenir que la pandémie n’a pas empêché les travailleurs et travailleuses de Starbucks de mener la lutte pour se syndiquer durant une période extrêmement dure pour la classe ouvrière. Déjà nous sommes témoins depuis septembre 2021 du fait que trente-neuf millions de travailleurs et travailleuses ont quitté leurs emplois en raison des piètres conditions de travail et des bas salaires offerts par les capitalistes. Une crise de la main d’œuvre aux États-Unis est d’ailleurs à prévoir après la fin de la pandémie.

L’empire Starbucks a congédié les leaders du mouvement visant à syndiquer les Starbucks dans la ville de Memphis et des congédiements similaires ont été constatés dans d’autres villes du Sud, peu sympathiques aux syndicats, surtout quand les travailleurs et travailleuses sont en majorité Afro-américain.es. Mais la lutte contre l’empire Starbucks galvanise tout de même d’autres travailleurs et travailleuses. C’est ce qui semble être le cas de cette petite chaîne commerciale nommée Dollar General combinant les services d’un dépanneur et d’une station d’essence dans le Sud des États-Unis. La plupart de ces commerces engagent 5 à 6 employés. Lorsqu’un de ces commerces a commencé à mener une lutte pour se syndiquer, le propriétaire de Dollar General a fermé le point de vente. Il a par la suite fini par fermer tous les Dollar General étant donné la persistance du mouvement de syndicalisation. Bien entendu, le propriétaire était un antisyndicaliste pur et dur.

Ce genre d’obstacles n’a pas empêché le Service Employees International Union de s’impliquer dans la lutte pour la syndicalisation. Ce grand syndicat Nord-Américain a déjà déposé à la National Labor Relations Board, cinquante-quatre demandes pour un vote syndical pour cinquante-quatre Starbucks à travers les États-Unis. Nous verrons d’ici quelques semaines ou mois si les requêtes déposées à la NLRB sont acceptées. Si oui, la procédure du vote pourra commencer. Évidemment l’empire Starbucks aura aussi le droit de contester toutes ces requêtes en ayant recours à sa batterie d’avocats. Le processus sera long et tout peut arriver quand la lutte est menée contre l’empire Starbucks qui dessert plusieurs millions de clients. Mais ce qui est important à comprendre ici, c’est qu’en dépit de la pandémie, en dépit du chômage dans le pays, en dépit du fait qu’ils et elles font face à un empire, les travailleurs et travailleuses qui avant tout sont des Afro-américains.es, des Hispanophones, des étudiants.es, des employées précaires continuent de mener la lutte pour la syndicalisation.

La volonté de lutte de classe aux États-Unis a pris une renaissance sous la présidence de Trump mais elle continue sous l’administration Biden, soi-disant le président des cols bleus. Nous voyons par ces différentes luttes pour la syndicalisation que ce sont les communautés ethnoculturelles minoritaires qui sont au cœur de cette renaissance de la lutte des travailleurs.es. Ceci demeure encourageant pour la classe ouvrière partout dans le monde. Nous pouvons ainsi comprendre que l’existence d’un mouvement socialiste, même faible avec une organisation débutante demeure néanmoins un soutien, que l’unification des luttes peut donner des victoires et parfois des échecs mais que la lutte de classe demeure nécessaire.

Lotta Continua

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