I. Le plan de Paul Saint-Pierre Plamondon continue de faire des immigrant·es les boucs émissaires des différentes difficultés de la société québécoise.
La pénurie de logements, la crise des secteurs de la santé et de l’éducation, le développement de l’itinérance, et même la baisse du taux de natalité sont ramenés à une seule cause : l’importance du flux migratoire. Un texte qu’il a publié sur X/twitter le 5 novembre dernier illustre bien sa conviction : « Un regard lucide sur la situation sociale et économique qui découle de ces seuils d’immigration doit nous amener à conclure que nous construisons de toute pièce une crise sociale sans précédent. »
PSPP rend les personnes migrantes responsables de la crise du logement
Pour PSPP la crise du logement s’explique aisément. Elle découle de la hausse des seuils et de l’arrivée de migrant-es permanent-es et temporaires. Cette arrivée massive de personnes migrantes déséquilibre les rapports entre l’offre et la demande. Mais le FRAPRU en donne une toute autre explication : « Le marché est comprimé par la financiarisation du logement ; on ne construit plus pour loger des gens, mais plutôt pour réaliser des profits juteux, le plus rapidement possible. » [1] PSPP n’appelle pas à miser sur le logement social et communautaire. Il fait du contrôle de l’afflux des personnes migrantes la solution à la crise du logement.
PSPP dénonce l’accaparement par les personnes migrantes des ressources de nos services publics
Pour PSPP, la crise des services publics s’explique tout aussi aisément. Les ressources de l’école publique comme des services de santé servent à répondre aux demandes provoquées par la vague migratoire actuelle.
Depuis des décennies, les services publics (santé, éducation, fonction publique) subissent les assauts du néolibéralisme : coupes, compressions, hausse de tarifs et processus de privatisation rampant. La population du Québec est bien consciente que ces travailleurs et travailleuses (et particulièrement des femmes racisées comme cela est devenu clair durant la pandémie de la Covid) soutiennent à bout de bras ces services et ne peut acheter la démagogie dont PSPP fait preuve.
Dans le discours de PSPP, les personnes migrantes sont responsables du recul du français
… « Après des décennies et des décennies de travail, on est en train de défaire tout l’héritage des 40 dernières années en protection du français en accueillant un nombre d’allophones beaucoup plus élevé que notre capacité d’intégrer et de franciser. »(PSPP)
Avec sa recherche de boucs émissaires pour expliquer les problèmes sociaux, PSPP s’avère incapable d’identifier les réels fondements de la précarité du français au Québec. Si la langue française est la langue de la majorité au Québec, elle reste une langue minoritaire au Canada et sur le reste du continent et elle est au Québec confrontée à l’hégémonie économique, politique et culturelle de l’anglais.
Enfin, les personnes migrantes sont même responsables de la baisse du taux de natalité au Québec
Et PSPP en rajoute : le nombre de personnes migrantes serait également la cause du faible taux de natalité au Québec. La réponse cinglante de Ruba Ghazal dit l’essentiel à ce propos : « … Oui, la natalité baisse au Québec. Parce que le vieux dogme de la famille nombreuse est mort avec la Révolution tranquille. Parce que la pilule contraceptive a permis aux femmes de contrôler leur fécondité. Parce qu’elles ont investi le marché du travail en plus grand nombre que jamais. Parce que la vie coûte trop cher et que les condos sont grands comme des boîtes à chaussures. Lier le taux de natalité aux seuils d’immigration, c’est non seulement malhonnête, c’est aussi un discours dangereux. »
C’est à partir de ces diagnostics erronés, inspirés par un nationalisme étroit ayant comme objectif de radicaliser les politiques réactionnaires menées par le gouvernement Legault en matière d’immigration, que PSPP élabore sa politique migratoire.
II. Critiques du Modèle viable en immigration du Parti québécois [2]
Réduire d’au moins la moitié l’immigration temporaire en passant de près de 600 000 au deuxième trimestre 2024 à une cible de 250 000 à 300 000 résidents non permanents aux termes d’un mandat de 4 ans. [3]
Si ce n’est dans le domaine de l’agriculture, la politique migratoire du PQ traite les travailleuses et travailleurs immigrants temporaires comme des personnes sans droits réels alors qu’ils et elles contribuent à la production de la richesse du Québec et à la qualité des services offerts à sa population. Cette politique oublie un peu vite l’importance que ces travailleurs et travailleuses ont eu dans les services de santé durant la crise de la COVID 19. On ne présente les personnes immigrantes que comme une charge pour la société québécoise alors que leurs apports ne sont pas reconnus. C’est pourquoi il paraît si facile de s’en passer. La solution est donc simple. C’est pourquoi la diminution du nombre des immigrant-es temporaires « constitue le premier levier sur lequel jouer avant de réévaluer nos besoins selon l’évolution notamment des crises du logement et des services publics, ainsi que de la situation précaire du français. » [4] Le rapatriement des pouvoirs ne devrait pas avoir comme but d’instaurer une politique s’attaquant aux personnes migrantes et visant tout particulièrement à diminuer l’accueil des demandeurs d’asile alors que le plein contrôle de nos frontières déboucherait « sur un resserrement des normes, notamment en ce qui a trait aux visas et aux premiers contrôles effectués à l’aéroport. » [5]
« Fixer des seuils d’immigration permanente qui correspondent à la capacité d’accueil – soit 35 000 nouveaux résidents permanents par an. »
La capacité d’accueil n’est jamais définie sérieusement. C’est un concept flou. Dans la réalité, on constate que ce sont des pays pauvres du Sud global qui reçoivent le plus grand nombre de personnes migrantes, et non les pays riches. Cette notion mal définie, qui nourrit les débats sur les quotas, reflète la « capacité des courants conservateurs à rendre visibles (les nouveaux arrivants) pour mieux en tirer profit politiquement. » [6] Le premier ministre François Legault utilise cette rhétorique depuis 2018 à des fins électoralistes. Le Parti québécois de PSPP tente maintenant de le concurrencer sur ce terrain.
Fixer les quotas de l’immigration permanente à 35 000 par année, ce n’est pas empêcher toute immigration, à moins de construire des murs physiques ou juridiques, ce qui ne fonctionne d’ailleurs pas. C’est permettre que se développe toute une partie de la société sans droits, vivant dans la clandestinité, sans papiers, sans possibilité d’inclusion sociale véritable et sans avenir. D’ailleurs, les François Legault, Jean-François Lisée ou PSPP n’hésitent pas à dénoncer la porosité de la frontière canadienne .
« Décréter un moratoire sur l’immigration économique permanente provenant de l’extérieur du Québec (volet travailleur qualifié) afin de sélectionner les résidents permanents parmi l’immigration temporaire, composée des étudiants étrangers et des travailleurs étrangers temporaires déjà présents sur le territoire. »
Un tel moratoire ne tient pas compte de la réalité des migrations, de l’éventuelle prise du pouvoir par Trump aux États-Unis ni de la crise climatique. Les déplacements vont se faire. Des personnes vont entrer au Canada et au Québec. Et on les condamne d’avance à l’illégalité.
Traiter rapidement les dossiers de réunification familiale pour les conjoints et les enfants... Le conjoint doit démontrer une connaissance du français qui correspond à celui exigé par son corps d’emplois. On exclut les parents et les grands-parents. À l’avenir tant les parents que les grands-parents ne seront pas traités tant qu’il y aura des enfants et des conjoints en attente.
Cette proposition ne fait pas une critique majeure des délais vécus par les personnes en attente de réunification familiale. Elle ne critique pas la politique du gouvernement Legault qui rallonge ces délais. Elle continue d’exclure les parents et les grands-parents.
Resserrer les critères de sélection des travailleurs étrangers temporaires en établissant une nouvelle liste des métiers en tension et une hiérarchie des priorités, tout en reconnaissant formellement la dépendance du milieu agricole aux travailleurs étrangers temporaires.
Cette proposition vise essentiellement à satisfaire les besoins de l’économie. Dresser une liste des métiers en tension, c’est identifier des besoins importants pour assujettir l’acceptation des travailleuses et travailleurs temporaires aux besoins du patronat. Et lorsque c’est trop évident qu’on ne peut se passer de ces travailleuses et travailleurs temporaires, comme c’est le cas en agriculture, on reconnaît cette réalité et on ne resserre pas les critères pour ne pas le payer électoralement.
Rien sur les droits des travailleuses et travailleurs temporaires, y compris sur leur droit à la syndicalisation. Rien ou si peu sur la dénonciation de leurs conditions de travail. Une seule concession : celle de ne plus accepter le statut qui soumet les travailleurs et les travailleuses à un employeur unique permettant leur surexploitation. Concession mineure s’il en est. On propose des permis de travail régionaux et sectoriels. [7] En finir avec le permis de travail restreint à un employeur est une bonne chose. Mais le remplacer par des permis de travail régionaux ou sectoriels, c’est enfermer ces travailleuses et travailleurs dans une région ou un secteur, ce qui est tout à fait inacceptable du point de vue des droits humains dont le droit à la libre circulation des personnes vivant au Québec.
6. Effectuer un vrai virage vers l’autonomisation et la robotisation dans les secteurs de notre économie en pénurie de main-d’œuvre
« Des pays confrontés à une réalité démographique semblable à celle du Québec, comme la Corée du Sud et le Japon misent sur la robotisation de leur industrie et l’introduction de l’intelligence artificielle pour réaliser le travail non qualifié. » [8]
Il s’agit d’une trouvaille qui ne correspond nullement à la réalité de la main-d’œuvre formée de travailleurs et travailleuses temporaires. Propose-t-on la robotisation du travail dans les hôpitaux, la robotisation dans le secteur de la construction, dans le secteur de la restauration et de l’hôtellerie ? La plupart de ces secteurs où les travailleurs et travailleuses sont particulièrement impliqué-es sont marqués par le travail du care. Voilà la curieuse solution péquiste pour se débarrasser du travail qui doit être fait par des personnes dans ces secteurs vitaux de l’économie.
D’ailleurs, un lecteur du Devoir pose de bonnes questions en réponse à cette proposition de robotisation de l’économie présentée par le PQ. :
Si on s’entend pour dire que la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs de l’économie québécoise (agriculture, manufacturier, restauration, commerce de détail, soin aux personnes, entretien ménager, etc.) est essentiellement due à la dénatalité, aux bas salaires et aux mauvaises conditions de travail (horaire chaotique, absence d’avantages sociaux, tâches aliénantes, cadence insoutenable, dévalorisation sociale, climat de travail toxique, etc.), alors pourquoi ne pas augmenter les salaires et améliorer les conditions de travail pour rendre ces postes plus valorisants et attrayants ? Le bien-être au travail et la sécurité économique n’inciteraient-ils pas par ailleurs les Québécois à faire un peu plus d’enfants ?
Quant au réchauffement climatique, causé par la surexploitation des ressources naturelles et la surproduction de biens, ne rend-il pas inévitable, à terme, une certaine sobriété énergétique, un certain ralentissement de la production et de la consommation, un raccourcissement des chaînes de production, un certain renouement des humains avec la nature, les aliments locaux et les travaux agricoles ? Dans un tel monde, plus vert et plus sobre, où les ressources se feront de plus en plus rares, la robotisation de l’industrie et de l’agriculture, qui implique une production intensive et l’exploitation d’une grande quantité de matières premières (eau, électricité, minerai, terres rares, etc.), sera-t-elle vraiment souhaitable ? [9]
Les remarques que nous avons faites jusqu’ici suffisent à jeter une lumière crue sur le caractère réactionnaire et méprisant du modèle péquiste en matière d’immigration. C’est une tout autre approche qu’il est nécessaire de mettre de l’avant.
III. Pour la liberté de circulation et d’installation à la base d’une politique migratoire de gauche
Le plan de PSPP sur l’immigration s’appuie sur des diagnostics de la situation qui fait des personnes migrantes les boucs émissaires pour toute une série de problèmes au Québec. Cette orientation du plan péquiste attise les sentiments xénophobes et anti-immigration.
Donner une réponse humaniste aux migrations
Dans le contexte international actuel marqué par la crise économique, des guerres et le réchauffement de la planète, les migrations vont se faire. Les politiques migratoires ne peuvent se résumer à des politiques basées sur la fermeture des frontières et l’immigration choisie.
Inefficace et coûteuse, la politique de fermeture des frontières entraîne aussi une série d’effets pervers. Elle contribue à entretenir des flux importants d’immigration irrégulière et à alimenter une économie souterraine, les patrons ayant intérêt à utiliser des sans-papiers qui leur coûtent moins cher et qui n’ont pas les droits nécessaires pour s’organiser et se montrer revendicatifs.
Ouvrir les frontières
Pour éviter cela, il faut ouvrir les frontières et réguler l’immigration à partir de constats précis : la migration est une richesse et le contrôle des frontières est inefficace et contre-productif. L’ouverture des frontières ne signifie pas que les flux migratoires ne sont pas régulés, mais que cette régulation se fait à partir des conditions et des principes qui affirment que les personnes immigrantes sont une richesse et que fermer les frontières est inefficace et inhumain. Ces personnes sont un apport considérable tant au niveau économique que social et culturel, car elles sont porteuses d’une diversité qui enrichit la société qui les accueille.
En somme, il faut défendre l’égalité des droits : droit de s’installer durablement, de travailler, de recevoir un salaire égal pour un travail égal, de se syndiquer, d’acquérir la nationalité et de voter.
Adopter une telle attitude, c’est faire primer les droits de la personne sur les besoins du capital et dépasser une immigration conforme aux seuls intérêts des grandes entreprises. Agir ainsi, c’est empêcher que se développe une population d’étranger-ères de l’intérieur avec toutes les paniques identitaires qui s’y rattachent. Face aux crises qui secouent la planète et qui provoqueront inévitablement une accélération des migrations, il faut prendre le problème à bras le corps et le faire dans une perspective radicalement humaine.
Des revendications concrètes pour opérationnaliser ces orientations :
Toute une série de revendications ont été avancées par les organisations syndicales, populaires et antiracistes. Nous n’en mentionnons ici que quelques-unes. Elles indiquent la voie des luttes concrètes qu’il faut mener pour que la liberté de circulation et d’installation puisse se concrétiser. Il faut :
• Arrêter les expulsions et en finir avec la volonté de refouler les travailleurs et travailleuses migrant-es et de multiplier les obstacles physiques, juridiques et administratifs à leur liberté de circulation.
• Régulariser les sans-papiers pour éviter de bâtir des couches surexploitées de personnes sans droits à l’intérieur du Québec et du Canada. Le gouvernement du Canada a reculé sur la perspective d’une régularisation massive. Le programme de PSPP appuie ce recul. Il pose même la perspective qu’un Québec indépendant soit encore plus restrictif à l’égard de l’accueil des demandeurs et demandeuses d’asile.
• Mettre fin aux permis de travail fermés et à la surexploitation de ces travailleurs et travailleuses n’ayant pas les mêmes droits que les autres citoyens et citoyennes du Québec.
• Adopter des mesures facilitant l’accès à la résidence permanente. À ce niveau, le Plan du PQ, fait peu de concessions mais multiplie les difficultés de régularisation et d’obtention d’un statut de résident permanent ainsi que d’accession à tous les droits disponibles à la population native du Québec.
• Élargir l’accueil de personnes réfugiées et la réunification familiale. À ce niveau également, le modèle viable en immigration du Parti québécois va exactement dans le sens inverse en n’élargissant pas aux réfugié-es climatiques le statut de demandeur d’asile...
Afin d’éviter un processus de morcellement de la population du Québec entre ceux et celles qui ont des droits et ceux et celles qui n’en ont pas ou peu, il faut garantir l’égalité des droits de toutes les personnes habitant le territoire. L’égalité des droits de s’installer durablement, le droit de travailler, de recevoir un salaire égal pour un travail égal, le droit de vivre en famille, le droit à la citoyenneté, le droit à des services sociaux, le droit à la syndicalisation et le droit de vote. C’est la reconnaissance de ces droits qui, seule, peut assurer la cohésion sociale, la solidarité et l’unité de l’ensemble des travailleurs et des travailleuses vivant au Québec.
Cette orientation, qui s’oppose frontalement au Plan du PQ de PSPP en matière d’immigration doit être partie prenante de notre projet d’indépendance nationale et contribuera à la création de liens de solidarité avec les peuples du monde contre les politiques de l’oligarchie et de ses gouvernements.
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