Or les résultats auxquels nous nous sommes heurtés ont au moins le mérite de nous rappeler quelques incontournables constats.
Premier constat : une droite néolibérale toujours forte
Autant sur la scène sociale, l’hégémonie néolibérale avait été fortement ébranlée lors du printemps Érable 2012, autant sur la scène politique la traduction de ce phénomène n’ a été que partielle, à n’en laisser résonner au fond des urnes que l’écho assourdi et lointain. Certes le Parti libéral passe dans l’opposition (avec 50 députés) et Charest-est-il battu et bien battu dans son comté de Sherbrooke, l’obligeant à la démission (ce qui n’est pas rien !). Mais cette défaite n’est pour le Parti libéral nullement un désastre, puisque, avec 31% des votes obtenus, il se trouve à seulement 1% des péquistes (54 sièges) et reste une opposition officielle très puissante. Et si l’on additionne le pourcentages de la CAQ (27% ; 19 sièges) et des libéraux 31% (= 58%), on réalise très nettement comment le poids de la droite néolibérale dure reste prépondérant sur la scène politique québécoise. Et cela, même si en face d’eux, on plaçait le PQ et on y ajoutait les 2 sièges gagnés par Amir Khadir et Françoise David ainsi que le pourcentages de Qs et Option nationale (32%+ 6% + 1,9% = 39,9%), on serait encore loin du compte.
Deuxième constat : un Parti québécois porté à gouverner à droite
Ce premier constat doit être renforcé par le fait que le PQ n’est quelque part plus que l’ombre de lui-même : navire amiral de la souveraineté échoué sur les rochers néolibéraux ou les récifs de la prudence cauteleuse et du repli identitaire. Désormais parti gouvernemental, mais minoritaire, et fortement minoritaire, il aura toutes les peines du monde à faire avancer le moindre de ses projets progressistes, a fortiori celui de la souveraineté. Et dans la mesure où QS ne peut lui apporter les voix suffisantes qui lui manquent (il lui en faudrait 63), il sera nécessairement porté à gouverner (qu’on pense au futur budget de la province) vers la droite. Le soutien non anodin de Julie Schneider, épouse du milliardaire et très néolibéral Karl Pierre Peladeau, à Pauline Marois à la veille du scrutin est à cet égard plus qu’un symbole !
Troisième constat : un bond non négligeable mais décevant
Quant à Québec solidaire, il reste encore à la 4ième place, loin derrière les 3 vieux partis avec seulement 2 députés et un 6% des suffrages. Certes bien des facteurs expliquent un tel score (la question du vote, stratégique, les distorsions du vote uninominal à un tour, le parti-pris de médias de masse et en particulier de Radio-Canada). Bien sûr aussi quelques très bons scores ont été effectués dans une dizaine de comtés [1], et partout Qs a fait un bond non négligeable par rapport à 2008 : en gros un doublement des suffrages et de sa députation.
Mais pour bien des militants le résultat peut paraître frustrant, eu égard à certains comtés « prenables » ainsi qu’aux efforts consentis et surtout au professionnalisme et aux capacités organisationnelles et politiques dont a fait preuve Québec solidaire tout au long de cette campagne. Il suffit de penser à ses pancartes électorales (tranchant si fortement avec celles des autres), à son slogan DEBOUT (si en phase avec la période), à ses machines électorales de comté si militantes, et globalement au fait qu’aucun faux pas n’a été fait lors de sa campagne. Sans parler bien sûr de la très bonne prestation de Françoise David lors du débat des chefs et de l’indéniable effet d’entrainement médiatique que cela a produit dans tous les comtés.
Tout en somme pour penser raisonnablement obtenir plus ce 4 septembre !
Une répétion générale
Ce sera là sans doute le seul côté positif de ce résultat quelque peu décevant : nous rappeler que pour un parti comme Qs –parti clairement de gauche et indépendantiste— la lutte n’est pas seulement organisationnelle. Elle est d’abord et avant tout politique. Elle est une lutte de grande ampleur, et ne se joue pas seulement —ne peut pas seulement se jouer— sur la scène électorale, tant celle-ci reste un terrain miné. Pour contrebalancer le pouvoir des élites sociopolitiques et médiatiques, celui si puissant des groupes financiers, Québec solidaire doit compter sur les mouvements sociaux d’origine populaire (groupes communautaires, écologistes, féministes, syndicaux, etc.), sur leur appui résolu et uni ainsi que sur leur engagement sans fausse note à ses côtés sur la scène sociale et politique.
Or il en manque beaucoup pour qu’un tel appui lui soit acquis, et pour que Québec solidaire parvienne à être ce parti autant des urnes que de la rue qu’il aspire à être. À preuve les hésitations et faux fuyants de centrales syndicales comme la CSN taraudées par les doutes du vote stratégique. À preuve aussi ces impossibilités de s’entendre autrement que dans Gouin et Nicolet avec Option nationale ! À preuve ces difficultés du mouvement étudiant à rappeler ses revendications d’une même voix sur la scène électorale !
Gageons seulement que la fragilité du gouvernement minoritaire péquiste et que la probabilité d’une nouvelle bataille électorale dans les 18 à 24 prochains mois, le pousseront à travailler de toute urgence aussi dans cette direction.
Manière de tirer leçon de cette campagne et de faire de ces élections de l’été 2012… une indispensable et salutaire répétition générale.